Burkina Faso

Programme d’Education Bilingue

Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (MEBA)
Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) au Burkina Faso

Profil du pays

Population : 13 228 000 (2005)
Degré d’alphabétisation des adultes : 23.6 % (2005)
Population située au-dessous du seuil national de pauvreté : 46.4 % (2003)
Langue nationale ou officielle : français

Contexte

En 1994, le gouvernement du Burkina Faso a procédé à une évaluation du système d’éducation et est parvenu à la conclusion suivante : le système d’enseignement n’était pas adapté à la situation sociale et économique du pays et se révélait trop coûteux et donc inefficace. Un tel système d’éducation constituait un obstacle à tout effort de développement. Au cours des dix dernières années environ, le gouvernement et ses partenaires se sont engagés à rechercher de meilleures méthodes d’enseignement. Conscient de l’importance des langues nationales pour la qualité de l’éducation, le gouvernement a établi l’utilisation du français et des langues nationales pour l’enseignement.

Programme

Le système d’éducation bilingue a commencé avec succès par un programme d’alphabétisation informel pour les adultes qui leur enseigne les langues nationales et le français. Les résultats ont été tellement convaincants que cela a persuadé les spécialistes chargés d’élaborer les programmes d’enseignement formel d’adopter une approche bilingue. Aujourd’hui, le programme d’éducation bilingue regroupe l’éducation formelle et informelle et constitue un programme d’enseignement intergénérationnel pour les enfants à partir de 3 ans, les adolescents et les adultes.

« Espaces de découverte éducative » informels pour les enfants âgés de 3 à 6 ans : « Espaces de découverte éducative » (3 E) est une structure gérée par la communauté conçue comme un environnement d’éveil pour les enfants de 3 à 6 ans, dans laquelle ils reçoivent une formation cognitive, socioéducative et socioaffective. Au niveau 3 E, les formateurs sont des parents-enseignants qui ont suivi une formation appropriée. Pour la mise en place du programme 3 E, les parents-enseignants suivent des cours constitués de modules en psychologie infantile, hygiène et nutrition, activités ludiques, d’éveil, etc. Les experts de la petite enfance élaborent des outils didactiques en utilisant des thèmes culturels et des activités ludiques, d’éveil et éducatives puisées dans différentes régions du Burkina Faso. Ces activités mettent à profit les connaissances modernes en matière d’éducation infantile. Les mères et les jeunes filles sont déchargées du soin des plus jeunes enfants pendant un certaine laps de temps afin de pouvoir participer aux programmes éducatifs.

Ecoles primaires informelles (EPB) pour les enfants âgés de 7 à 12 ans : le côté novateur de ces structures réside principalement dans l’utilisation de la langue nationale des enfants comme vecteur d’enseignement conjointement avec le français et dans l’importance accordée aux activités productives et culturelles. La scolarité dure cinq ans au lieu des six ans habituels dans les écoles classiques. Les objectifs principaux sont les suivants : a) favoriser l’association entre l’apprentissage et la production afin de préparer les enfants à jouer un rôle conscient et motivé dans le développement local, régional et national. ; b) réconcilier l’école avec son environnement en lui conférant des valeurs culturelles locales positives et en encourageant la participation de la communauté locale ; c) donner la possibilité aux élèves d’utiliser et de prendre conscience de leur connaissance d’une langue nationale et de leur capacité à lire et à écrire dans cette langue, de réaliser des progrès personnels, d’acquérir des techniques modernes et d’apprendre une langue internationale – en l’occurrence la langue officielle du pays, le français ; et d) de contribuer à trouver des façons et des moyens d’établir des liens destinés à combler le fossé entre les systèmes d’éducation formelle et informelle, tout en fournissant aux bénéficiaires des deux systèmes les mêmes « armes » et possibilités. Les enseignants des écoles bilingues ne sont pas différents de ceux qui exercent dans les établissements classiques et leurs formateurs sont les mêmes ; toutefois, ces enseignants reçoivent une formation spécifique complémentaire en éducation bilingue. Les outils didactiques sont élaborés, publiés et reproduits localement pour chacune des huit langues et ils sont réutilisables.

Apprentissage informel de la lecture et de l’écriture pour le développement (AFI-D) pour les enfants âgés de 9 à 14 ans : AFI-D est un système d’alphabétisation intensif pour le développement qui relève du secteur informel et qui s’adresse aux enfants de 9 à 14 ans qui n’ont pas été scolarisés ou qui ont quitté le système scolaire. AFI-D a été lancé en 1994 et se caractérise, d’une part par l’utilisation des langues nationales conjointement au français comme vecteur d’éducation et d’autre part, par les possibilités qu’il offre aux élèves qui en ont bénéficié de poursuivre des études secondaires ou de suivre une formation professionnelle permettant l’acquisition de compétences ou de diplômes dans des établissements adaptés aux besoins socioéconomiques de la région concernée. L’apprentissage dans les centres AFI-D dure quatre ans. De nombreux élèves qui ont reçu cette formation s’intègrent de façon satisfaisante dans la société en travaillant à leur compte (en qualité d’agriculteurs, d’éleveurs de bétail, de charpentiers et de ferronniers) ou trouvent des postes dans le secteur public (enseignement et santé), ou le secteur privé (électrotechnique, plomberie, etc.).

Etablissements d’éducation secondaire spécialisés dans l’enseignement multilingue (CMS) pour les enfants âgés de 12 à 16 ans : Les écoles multilingues spéciales acceptent des élèves de 12 à 16 ans qui ont suivi avec succès le programme des EPB. Les élèves des CMS améliorent la connaissance de leur langue nationale utilisée conjointement avec le français à l’école mais doivent également apprendre une seconde langue nationale choisie parmi les langues principales du Burkina Faso. Les écoles CMS sont novatrices en ceci qu’elles proposent – en plus des programmes classiques des établissements d’éducation secondaire _ des cours spécifiques dans les langues nationales ainsi que des activités culturelles et orientées vers la production. Elles ont pour objectif a) de dispenser le programme classique complet des établissements d’enseignement secondaire de l’année 6 à l’année 3 ; b) d’encourager le multilinguisme grâce à l’utilisation du français, d’une seconde langue nationale largement utilisée et de l’anglais fonctionnel ; c) de lier l’éducation à la production ; et d) de favoriser des valeurs culturelles positives et la sensibilisation à la citoyenneté.

Apprentissage informel de la lecture et de l’écriture pour les adultes – Les langues nationales et le français sont utilisés pour dispenser l’enseignement. Le programme d’éducation bilingue relie l’alphabétisation au développement rural pour les adultes vivant dans les zones d’intervention. Les bénéficiaires acquièrent des compétences grâce à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture et divers cours techniques relatifs à l’agriculture, au bétail, à la culture maraîchère, aux petits emprunts, à la santé et à l’hygiène, à la comptabilité de base et à l’organisation et à la gestion d’activités socioéconomiques individuelles ou collectives. Ces compétences leur permettent d’améliorer leurs conditions de vie, tandis que le bilinguisme en langues nationales et en français les aide à superviser plus efficacement les devoirs scolaires de leurs enfants. En fait, les adultes qui maîtrisent bien les langues nationales ont la possibilité de suivre des cours de français parlé basés sur la méthode ALFAA (enseignement du français selon le degré d’acquisition de la lecture et de l’écriture). La méthode adulte ALFAA permet à ceux qui en bénéficient d’accéder à un niveau de connaissances équivalent à la sixième année d’enseignement primaire classique.

Leçons retenues

La première leçon tirée de cette expérience est que l’utilisation des langues nationales conjointement avec le français facilite l’enseignement et l’apprentissage et permet en fait d’accélérer le processus de scolarisation tout en maintenant et même en améliorant son efficacité interne et externe. En ce qui concerne les écoles – le taux de réussite au certificat d’enseignement primaire (CEP) dans les écoles bilingues – où les élèves ne passent que quatre à cinq ans – a dépassé dans l’ensemble le taux de réussite national, en dépit du fait que les épreuves de CEP étaient entièrement en français et destinées à des élèves qui étaient restés au moins six ans dans l’école (voir le tableau ci-dessous).

Année ÉCOLES BILINGUES MOYENNE NATIONALE
Nombre d’écoles Nombre de langues nationales Nombre de candidats à l’examen Taux de réussite (après 5 ans d’enseignement, adolescents 4 ans) 6 ans d’enseignement (redoublements non compris) %
1998 2 1 53 52.83 % 48.60 %
2002 4 2 92 85.02 % 62.90 %
2003 3 1 88 68.21 % 70.01 %
2004 10 4 259 94.59 % 73.73 %
2005 21 6 508 91.14 % 69.01 %
2006 40 7 960 77.19 % 69.91 %
2007 47 7 1182 73.69 % 66.83 %
MOYENNE   78.16 % 65.69 %

Depuis 1998, cette expérience n’a cessé de s’avérer efficace et pertinente. C’est pourquoi le ministre de l’Education de Base du Burkina Faso souhaite continuer à appliquer cette méthode grâce aux subventions du plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB).

Grâce au réinvestissement des connaissances et compétences acquises, le programme d’éducation bilingue a eu un impact très important sur tous les bénéficiaires concernés dans de nombreux domaines. Cela englobe des répercussions sociales (amélioration de l’hygiène, de la santé et de l’esprit civique), économiques(accroissement de la productivité agricole, du bétail, augmentation des revenus familiaux et amélioration des conditions de vie), éducatives (augmentation du taux de fréquentation des écoles, du nombre des élèves de sexe féminin, apprentissage mutuel entre enfants et parents et élévation du taux d’accès aux classes supérieures et de la réussite aux examens), d’organisation et de gestion (tenue de réunions régulières, rédaction de comptes rendus, plus grand nombre de personnes instruites dans les bureaux de la direction des organisations partenaires et gestion plus efficace des entreprises individuelles ou collectives, etc.).

Les écoles en prise directe sur les réalités de l’environnement encouragent les parents à participer à l’éducation de leurs enfants. Le modèle bilingue a également obtenu de bons résultats en ce qui concerne la cohésion sociale pour ceux qui avaient été exclus du système d’éducation pour des raisons de non-fréquentation, comme les non-voyants, qui apprennent plus rapidement et plus efficacement grâce à l’utilisation de documents en braille dans la langue nationale ou dans les deux langues.

L’enseignement bilingue diminue le coût de l’éducation grâce à son efficacité interne et à une réduction significative du temps passé à l’école. De plus, l’éducation bilingue a été intégrée dans la société locale et répond à une demande aussi bien de la population que des responsables du gouvernement. Cela constitue un système d’éducation plus efficace qui a un impact plus important sur l’intégration des élèves qui ont abandonné leurs études dans l’économie locale.

Contact :

Paul Taryam Ilboudo
Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) Burkina Faso
01 BP 2057
Ouagadougou 01
Burkina Faso
paultaryam@yahoo.fr