Sénégal

Association de recherche et éducation pour le développement (ARED)

Profil du pays

Population : 11 658 000 (2005)
Taux d’alphabétisation des adultes : 39.3 % (2002)
Population sous le seuil de pauvreté national : 33.4 % (1992)
Langues nationales ou officielles : français, balanta-ganja, hassaniyya, jola-fonyi, mandinka, mandjak, mankanya, noon, pulaar, serer-sine, soninke, wolof

Contexte

« Nous avons de la chance de travailler dans un contexte où la communauté comprend la valeur de l'alphabétisation en pulaar. Toutefois, notre « don » aux autres est de démontrer comment la communauté peut jouer un rôle, l'importance d'avoir des supports culturellement pertinents (pas seulement des supports fonctionnels) ainsi que l’étendue du savoir d’un néo-alphabète après seulement quelques centaines d’heures de formation ».

Il est important de noter que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de la langue pulaar peut être introduit dans une communauté de manière à ce qu’elle devienne un acteur du processus qui consiste à définir la forme, le rôle et la valeur de l’éducation. L’élément-clé de ce processus semble être l’écho culturel provoqué par l’éducation en pulaar. Dans ce contexte, la poursuite de l’éducation n’est plus associée à l’aliénation culturelle (ce qui est souvent le cas de l’éducation formelle en français). Au contraire, l’éducation vient contribuer aux initiatives de développement local tout en préservant la culture, intégrant ainsi de nouvelles idées dans les systèmes sociaux et intellectuels existants.

L’ARED a pour vocation la création d’ouvrages en langues africaines. La première langue est le pulaar (également appelé fulfude), parlé par plus de 25 millions de personnes au Sahel. L'ARED travaille surtout dans le Nord du Sénégal en raison d’une initiative populaire très active de promotion de la connaissance du pulaar dans cette région. Les ouvrages sont tout d’abord rédigés en pulaar, afin de juger s’ils correspondent aux besoins et aux niveaux des néo-alphabètes. Les ouvrages initialement publiés en pulaar sont ensuite adaptés à d’autres dialectes du fulfude, à d’autres langues d’Afrique de l’Ouest, ou bien traduits en français.

Aujourd’hui, l’ARED répond aussi à des demandes adressées par des organisations au Sénégal, au Mali, au Bénin, au Burkina Faso et au Niger.

Programme

Ce qui rend l’ARED unique, c’est le fait qu’elle publie des ouvrages qui seront utilisés par d’autres programmes que les siens. Au lieu d’enseigner eux-mêmes à lire et à écrire, les formateurs forment des enseignants pour d’autres organisations. L’ARED a été créée en 1990 pour publier des ouvrages destinés aux néo-alphabètes et pour aider d’autres programmes à dispenser leurs activités de formation. Depuis 1992, plus de 150 titres ont été édités, 800 000 livres vendus et plus de 450 formations dispensées à plus de 9000 participants.

L’ARED ne met pas en œuvre ses propres programmes d’alphabétisation sur le terrain, mais elle répond aux demandes de formations et de livres adressées par des associations locales, d’autres ONG, des projets bilatéraux, etc. L'objectif est d'aller au-delà des supports d'alphabétisation fondamentaux et fonctionnels en offrant des supports très complexes concernant les lois locales, l’impact des projets de développement, le développement d’une société civile, etc. – tout en offrant de bons supports de lecture tels que des romans, de la poésie, des livres d'histoire et de connaissances locales.

Les programmes en langues africaines de l’ARED offrent une éducation participative axée sur l’apprenant et destinée tant aux individus qu’aux communautés locales. Les programmes visent à développer les compétences fondamentales de lecture et d’écriture, les capacités de leadership et d’organisation, ainsi qu’à fournir des informations sur la citoyenneté et sur la société civile permettant aux gens de faire des choix éclairés pour atteindre leurs propres buts par le biais d’un accès croissant à l’éducation et à l’information. L’ARED offre également certains des outils essentiels à la maîtrise et au changement au niveau de la communauté en créant constamment des programmes concernant les tâches de chaque adulte - qu’ils soient chefs, preneurs de décision, élus, groupes préconisant le changement ou de simples citoyens qui essaient de satisfaire les besoins de leurs familles. L’ARED est aussi l’un des rares éditeurs d’Afrique de l’Ouest à publier des livres qui encouragent la lecture pour le plaisir, de sorte que les nouveaux lecteurs peuvent s’identifier à l’histoire et aux personnages, plutôt que simplement envisager la lecture en tant que moyen d’apprendre quelque chose de nouveau.

Les activités de formation sont de durées variables (de 20 à 100 heures) et elles sont dispensées dans les communautés locales rurales et périurbaines. Bien que chaque activité de formation soit accompagnée d’un livre dans la langue de la formation, on ne part pas du principe que tous les participants savent lire et écrire. L’organisation tente délibérément de rassembler une diversité de membres de la communauté, y compris des jeunes de 15 à 30 ans et des adultes de 30 à 70 ans, des hommes et des femmes, des membres de la communauté qui savent lire et écrire et d’autres qui ne savent pas. Étant donné que les classes sont axées sur l’apprenant, elles dépendent des connaissances et des échanges entre les participants et cette diversité est fondamentale, tant pour le partage que pour la mémorisation des informations.

L’ARED recherche des façons d’intégrer les groupes marginalisés dans un processus éducatif qui satisfasse leurs propres besoins en tant qu’adultes pris par leur travail. Ces groupes comprennent :

  1. les adolescents qui n’ont pas encore eu l’opportunité de commencer ou qui n’ont pas encore fini l'école primaire. L'ARED s'efforce d'offrir à ce groupe une « éducation de base » (équivalente, mais non limitée à l'éducation primaire) ;
  2. les femmes qui n’ont pas encore pu entrer dans le système scolaire officiel et dont le travail et les emplois du temps chargés ne leur permettent pas de suivre une scolarité formelle sur une base systématique ;
  3. les groupes ethniques, les groupes professionnels et les groupes de langue qui sont souvent marginalisés lors des prises de décision et qui devraient être intégrés en tant que membres de la communauté et
  4. les organisateurs et les leaders de la communauté qui doivent être mieux préparés pour assumer leur rôle.

L’ARED a déjà testé et créé des formations ainsi que des ouvrages sur une large gamme de sujets. Les associations communautaires peuvent librement choisir les sujets qui répondent le mieux à leurs besoins. Tous les sujets de la liste ci-dessous comprennent au moins un livre rédigé dans la langue locale. Les sujets existants comportent :

  1. alphabétisation & compétences mathématiques — Ce sujet nécessite qu’un enseignant local de lecture et d’écriture suive trois formations, chacune d’une durée de 90 heures. Ces enseignants dispensent ensuite au moins un programme de 300 heures dans leur communauté.
  2. Résolution de conflit négociée — Il s’agit d’une formation de 100 heures qui traite de la façon d'identifier et d’analyser les conflits (en particulier entre bergers et fermiers au Sahel) afin de parvenir à une situation où chacun y trouve son compte. Elle inclut aussi un exposé complet sur les processus de médiation.
  3. Société civile — L’ARED a créé plusieurs modules de 35 à 70 heures pour renforcer le rôle de la société civile en particulier dans les régions rurales et/ou pauvres du Sénégal. Ces modules offrent une explication de la loi foncière, le code forestier, le nouveau code rural, le rôle des nouveaux élus, les droits et responsabilités des citoyens et le rôle des trois branches du gouvernement.
  4. Analyse participative des conditions locales — Cette méthode visuelle, appelée à l’origine en anglais « rapid rural appraisal » (évaluation rurale rapide) est aujourd’hui plus communément nommée « analyse rurale participative » et permet de regrouper des groupes de la communauté afin d’analyser diverses questions importantes. L’ARED propose plusieurs formations de 35 à 70 heures pour aider les groupes à travailler ensemble sur les questions environnementales ou l'interaction des familles et de la communauté et pour examiner les moyens d’existence, etc.
  5. Etablissement d’une organisation — Dans les zones rurales du Sahel aujourd’hui, des centaines d’associations locales sont créées pour aborder les questions communautaires. Pour soutenir ce processus, plusieurs formations de 35 à 70 heures ont été organisées pour aider les groupes communautaires à créer une association, à identifier les implications légales, à établir des budgets, à gérer et diriger un centre communautaire, etc.
  6. Pastoralisme — Cette formation de 100 heures couvre les aspects les plus urgents de l’élevage au Sahel aujourd’hui, y compris une analyse du système pastoral existant, les concepts qui étayent les projets de développement et la législation de tous les pays du Sahel.
  7. VIH/SIDA — Tandis que beaucoup de programmes concernant la séropositivité et le Sida se concentrent sur la maladie elle-même et/ou sur les soins aux personnes qui en sont atteintes, l’ARED offre une formation de 35 heures sur les façons de rassembler les membres de la communauté dans le but de discuter des pratiques sociales qui ne tiennent pas compte ou qui favorisent la propagation de la maladie et pour identifier des moyens de confronter ensemble leurs responsabilités sociales.
  8. Culture, littérature et connaissances indigènes — Pour qu’une personne se développe pleinement, il est essentiel que la valeur de son propre système de connaissances culturelles soit reconnue officiellement. L’ARED offre des formations de 20 heures permettant la publication de 25 livres, y compris des œuvres de littérature, des récits historiques, des panoramas des systèmes de connaissances locales, etc.

L’ARED cherche constamment à établir des partenariats favorables. C’est ce réseau d’individus de même sensibilité qui lui permet de renforcer ses capacités, de toucher davantage d’apprenants et d’être plus productive.

Leçons apprises

La clé du succès de l’ARED réside dans le lien qu’elle a forgé entre l’identité culturelle et l’alphabétisation. Étant donné que les participants aux formations deviennent des citoyens plus érudits capables de mieux travailler ensemble, ils sont en mesure de jouer un rôle clé dans leurs communautés. Ils peuvent s’inscrire et contribuer à une association de la communauté ou faire pression pour défendre des intérêts trop souvent ignorés. Ils peuvent également réussir à donner une voix aux personnes marginalisées dans les groupes de la communauté, par exemple les femmes.

Ce qui est frappant, c’est que les participants ne considèrent pas les cours d‘alphabétisation ou les formations comme un ensemble de compétences mécaniques ou d'informations qui doivent être apprises, mais plutôt comme un processus de responsabilisation rendu possible par l’échange, entre participants comme entre soi-même et la langue écrite.

L’ARED continue de travailler dans le but d’atteindre deux buts. Le premier est d’identifier les questions qui importent aux communautés locales et de trouver une façon de présenter ces questions à tous les membres de la communauté qui ont, ou qui auront, leur mot à dire lors du processus de prise de décision. Le second est de fournir de bons supports de lecture afin que les apprenants aient des livres auxquels ils trouveront du plaisir.

Contact :

Sonja Fagerberg-Diallo
NINEA 006 3 719
Villa 3074 Amitié 1
BP 10 737
Dakar - Liberté
Sénégal
ared@enda.sn