Ouganda
Education familiale de base
Alphabétisation et éducation des adultes
Profil du pays
Population : 28 816 000 (2005)
Population vivant au-dessous du seuil national de pauvreté : 37.7 % (1990-2003)
Contexte
Grâce aux efforts déployés par le gouvernement pour réaliser l’éducation primaire universelle, 7,3 millions d’enfants ont été alphabétisés dans la majeure partie des zones rurales d’Ouganda. Toutefois, la plupart des adultes sont encore analphabètes. Malgré le Programme gouvernemental d’alphabétisation fonctionnelle des adultes (FAL), 10 % seulement des apprenants adultes potentiels en bénéficient.
Le Plan d’action pour l’éradication de la pauvreté (PEAP) cible les foyers, en partant du principe que les familles exigeront et réclameront l’accès à des prestations sociales de base de qualité. Cependant, les informations relatives aux prestations disponibles existent sous une forme imprimée, et encore faut-il avoir la maîtrise de la lecture et de l’écriture et des notions de calcul pour réclamer ces droits, compétences que les membres des familles ne possèdent pas nécessairement.
La FABE (Education familiale de base) est un programme élaboré par la LABE (Alphabétisation et éducation de base des adultes), une ONG qui joue un rôle de premier plan dans le domaine de l’éducation de base. La LABE a commencé à envisager la création de projets d’éducation familiale au milieu des années 1990, afin de donner une nouvelle dimension à son œuvre d’alphabétisation des adultes de la région rurale et a testé les programmes dans le district de Bugiri dans l’Est de l’Ouganda de 2000 à 2001. Dès 2005, le programme avait été institué dans 18 écoles et plus de 1 400 parents et plus de 3 300 enfants en bénéficiaient.
En prenant conscience de l’importance de l’alphabétisation, les parents souhaitaient aider leurs enfants à faire leurs devoirs scolaires mais ils se sentaient de plus en plus incompétents. Pour répondre à ce besoin et réaliser les projets éducatifs de la communauté mis en place par les comités de gestion des écoles locales, rassurer les parents, les dirigeants du gouvernement local et les responsables pédagogiques des districts, la LABE a négocié un programme avec Comic Relief par le biais d’Education Action International pour étendre le champ d’action du projet pilote.
Programme
Ce projet cible les familles du district de Bugiri, qui est l’un des plus pauvres d’Ouganda. Les écoles primaires y obtiennent des résultats bien inférieurs à la moyenne nationale et le taux d’adultes analphabètes compte parmi les plus élevés, en particulier en ce qui concerne les femmes. Le programme fonctionne avec la collaboration d’enseignants et d’éducateurs dont les compétences reposent sur les méthodes d’alphabétisation des familles.
En dehors de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, le programme vise également à :
- Renforcer le soutien parental destiné à répondre aux besoins éducatifs des enfants et dispenser aux parents des connaissances de base sur les méthodes d’apprentissage scolaires ;
- Accroître les compétences d’intercommunication des parents en leur attribuant un rôle d’intermédiaire entre les enfants et leurs enseignants ;
- Apprendre aux parents à mieux s’occuper de l’éducation de leurs enfants ;
- Sensibiliser le public à l’éducation familiale ; et
- Améliorer les compétences des enseignants et des formateurs pour adultes en leur apportant de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage.
En conséquence, l’alphabétisation de base des adultes, les sessions d’initiation au calcul réservées aux parents et les cours réunissant parents et enfants sont conçus de façon à constituer un apprentissage partagé et à promouvoir les activités scolaires à la maison, qui complètent l’enseignement dispensé à l’école.
Les sessions d’alphabétisation des adultes sont basées principalement sur le programme scolaire mais leur structure est différente pour les apprenants adultes. Les cours réunissant les parents et les enfants comprennent des activités telles que les jeux, ainsi que la narration et la rédaction d’histoires en commun.
Les activités scolaires à la maison ont recours aux contes, au folklore et à d’autres techniques destinées à prolonger l’apprentissage de l’école à la maison.
Des « pratiques éducatives favorables » doivent également être mises en place pour créer un lien entre l’apprentissage scolaire et les connaissances indigènes de la communauté, les rituels et le patrimoine culturel, en impliquant de nombreux intervenants dans la planification, la mise en œuvre, la supervision et l’élaboration des activités scolaires. Il importe également de transformer des activités ou des installations « ordinaires », telles que la visite des classes et les journées portes ouvertes dans les écoles, l’enceinte de l’école, en véritables occasions d’apprendre. Enfin, des visites à domicile sont organisées afin d’aider les parents à constituer un espace d’étude à la maison et à confectionner eux-mêmes des outils pédagogiques.
Chaque école qui participe au projet reçoit un stock d’outils pédagogiques, tandis que les parents en fabriquent eux-mêmes à moindre coût, soit par leurs propres moyens, soit lors des sessions parents-enfants. La FABE a élaboré un guide de l’enseignant pour les formateurs d’adultes et les professeurs et a mis au point diverses techniques participatives pour compléter les outils dont disposaient déjà les professeurs.
Cette approche associe des enseignants professionnels (professeurs d’école primaire) à des éducateurs paraprofessionnels pour adultes (formateurs en alphabétisation pour adultes). L’anglais et le lugosa (la langue locale) constituent les vecteurs de l’enseignement.
Leçons retenues
L’un des défis consistait à permettre aux parents (aux mères en particulier) et aux enfants (surtout les filles) de jouer un rôle actif et bien informé dans la vie de la communauté en utilisant l’école comme point d’entrée. Au fur et à mesure de l’avancée du programme, divers effets de responsabilisation se sont manifestés, dont certains n’étaient pas initialement connus ou voulus.
Les parents interagissaient consciemment avec leurs enfants pour consolider l’acquisition de la lecture, de l’écriture et du calcul. Ils aidaient les enfants à faire leurs devoirs et contrôlaient leurs cahiers. Certains parents allaient même jusqu’à récupérer des outils pédagogiques destinés aux enfants dans leur environnement, tels que des capsules de bouteilles et des bâtons pour compter.
Ils se sont de plus en plus impliqués dans l’éducation de leurs enfants, envoyant des notes écrites aux enseignants à propos de leurs progrès scolaires ou des défis auxquels ils se trouvaient confrontés. Ils participaient également aux activités de l’école, telles que les réunions et les journées portes ouvertes, et se rendaient à l’école de façon non formelle pour discuter avec les professeurs des progrès scolaires de leurs enfants.
Les parents de leur côté, après avoir suivi des cours d’alphabétisation dans le cadre de la FABE pendant plus de deux ans, étaient capables de : 1) Lire correctement des séries de nombres de 0 à 1 000 et de faire des calculs avec des nombres à trois chiffres par écrit ; 2) De noter de courts messages entendus à la radio et de recopier des passages sur un calendrier, des notices ou d’autres textes.
Certains de ces changements étaient inattendus. Avant de tirer des généralisations de ces résultats et de les utiliser pour recommander la mise en œuvre de stratégies, il a fallu recueillir des échantillons plus importants et soumettre les résultats à une analyse quantitative plus poussée.
L’utilisation de groupes de contrôle provenant des écoles voisines où les programmes de la FABE n’avaient pas été mis en place, les résultats suivants ont été enregistrés :
Au niveau familial (au niveau du foyer)
- Le nombre d’enfants signalant des faits de violence domestique (en particulier des gifles reçues de leur père) a baissé de 15 % ;
- Le nombre de jeunes filles mariées par leurs parents (avant d’avoir atteint l’âge de 15 ans) a diminué de 40 % ;
- Le nombre de femmes se présentant aux élections dans les comités des écoles, des églises et des villages a augmenté de 65 %.
Au niveau de l’école
- Le taux de fréquentation global des filles a augmenté de 67 jours par an ;
- Le nombre de filles abandonnant l’école a diminué de 15 % ;
- Le nombre de femmes présentes dans les structures de gouvernance des écoles a augmenté de 68 % ;
- Le nombre de parents participant aux plans de développement scolaires s’est accru de 65 % ;
- Au niveau de la communauté
- Le nombre de membres de la communauté (auparavant analphabètes) ayant participé aux dernières élections nationales et choisi eux-mêmes un candidat a augmenté de 27 ;
- Le ratio de nouveaux membres de la communauté ayant rejoint les associations locales de volontaires est passé à 3/5 (3 représentant les nouveaux arrivants) ;
En dehors des progrès réalisés en lecture, écriture et calcul, la FABE a également eu des répercussions sociales, économiques et politiques plus étendues :
- Augmentation des subventions destinées à l’éducation des adultes par les gouvernements locaux ;
- Accroissement de l’intérêt des donateurs ;
- La participation de la communauté et des parents à l’éducation de base est devenue une priorité de la politique gouvernementale (bien que l’accent soit toujours mis sur l’alphabétisation des enfants) ;
A l’avenir, la FABE souhaite atteindre les objectifs suivants :
- Accroître les compétences enseignées dans le cadre de l’éducation familiale en mettant toutefois l’accent sur l’alphabétisation et l’éducation de base au sens large replacée dans son contexte ;
- Apporter une preuve convaincante de la complémentarité de l’éducation de base pour les enfants et les adultes ;
- Diversifier l’enseignement tout en préservant la cohérence et la précision de ce qui constitue l’éducation familiale de base dans un contexte africain. Eviter de se laisser écarter de l’objectif à atteindre à cause d’interprétations et de terminologies divergentes ;
- Mettre en place une structure d’évaluation pour les compétences de base de l’éducation des adultes qui puisse également servir à établir le système de certification de l’éducation de base des enfants ; et
- Promouvoir davantage la FABE afin d’obtenir le soutien du gouvernement au niveau central et local et trouver des donateurs qui apportent une aide sectorielle –une façon d’aborder le projet qui n’est pas celle d’une ONG.
Contact
Patrick Kiirya
kiiryadelba@gmail.com
Site Internet : www.labeuganda.org