Présentation générale du programme
Titre du programme | Le programme d’alphabétisation des adultes Aagahi |
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Organisation chargée de la mise en œuvre | The Citizens Foundation, Community Development Unit (CDU) |
Langues d’enseignement | Principalement, l’urdu. Les enseignants peuvent utiliser d’autres langues locales comme le sindhi, le pashto et le punjabi à leur guise pour aider les apprenants. |
Partenaires de financement | Dons provenant des entreprises et des personnes privées |
Partenaires | Literate Pakistan Foundation |
Coûts annuels du programme | 21.000.000 PKR en 2016 (environ 200.000 $). Coût net par apprenant : 2.200 PKR en 2016 (environ 21 $). |
Date de création | 2005 |
Contexte national
Le Pakistan se classe 106ème sur 113 pays à l’Indice de développement de l’Éducation pour tous (EPT) (UNESCO, 2012) et 147ème sur 188 à l’Indice de développement humain (PNUD, 2015). Malgré quelques signes positifs de redressement économique enregistrés au cours de la dernière décennie, il reste parmi les pays à faible taux de développement humain et fait face à de multiples défis en matière de pauvreté, de sécurité, d’éducation et de disparités entre les sexes.
Si le taux de pauvreté a reculé de 64,3 pour cent en 2001-2002 à 29,5 pour cent en 2013-2014, le nombre de personnes exposées à la pauvreté demeure élevé (Banque mondiale, 2016b), avec 45 pour cent de la population qui vivent avec moins de 2 $ par jour (UIS, 2014).
Du fait des conflits qui perdurent dans beaucoup de ses régions, en particulier dans les zones frontalières du nord, le Pakistan continue de connaître des tensions liées à l’insécurité, mais aussi d’importants défis de gouvernance qui sapent son potentiel de développement. En 2009, des conflits ont éclaté dans les provinces de Swat, de Khyber Pakhtunkhwa et d’autres zones frontalières, faisant près de 2 millions de déplacés et entraînant la destruction totale ou partielle de la plupart des écoles (Banque mondiale, 2016a).
Le Pakistan a des taux d’alphabétisme des adultes des plus faibles au monde. Au total, 53.483.715 adultes âgés de 15 ans révolus, dont 34.396.588 (64,3 pour cent) de femmes, sont analphabètes ou peu alphabétisés. Ces adultes représentent 28,9 pour cent de la population totale du pays. Chez les jeunes (de 15 à 24 ans), cette catégorie inclut près de 10 millions d’individus, dont 6 millions (61,2 pour cent) de jeunes femmes (UIS, 2015).
Il subsiste de grandes disparités en termes d’accès des filles, des jeunes femmes et des femmes à l’éducation : en 2014, le pays connaissait un écart significatif entre les sexes en matière de taux de scolarisation formelle, avec un TNA des garçons qui dépassait celui des filles de près de 12 points de pourcentage dans le primaire, et de près de 10 points dans le secondaire (UIS, 2014).
En outre, le Pakistan comptait plus de 5,6 millions d’enfants déscolarisés (dont 58,8 pour cent de filles) et plus de 5,5 millions d’adolescents déscolarisés (dont 53 pour cent de filles) en 2014. Beaucoup de ces jeunes risquent d’aller grossir les rangs des jeunes et des adultes peu ou pas alphabétisés plus tard dans la vie (UIS, 2014).
Plusieurs raisons expliquent les faibles niveaux d’alphabétisme :
- le gouvernement a réduit l’investissement dans l’éducation (2,47 pour cent du PIB) ;
- les analphabètes, en particulier les femmes, se trouvent dans l’impossibilité de s’inscrire à un programme d’alphabétisme ;
- des conflits graves persistent dans un pays peuplé à 62 pour cent de ruraux (UIS, 2014).
Présentation du programme
The Citizens Foundation (TCF), une des plus grandes organisations à but non lucratif du Pakistan, se donne pour mission d’induire une transformation sociale positive par le biais d’une éducation de qualité. Créée en 1995 à Karachi, la Fondation s’est muée en un réseau de 1.202 écoles qui dispensent un enseignement formel aux enfants des régions les plus défavorisées du pays. L’effectif actuel des écoles de TCF avoisine 175.000 élèves.
Le programme d’alphabétisation des adultes Aagahi a été initié par TCF en 2005, à la demande de son département de l’éducation, pour soutenir les élèves de ses écoles en enseignant aux membres de leur famille, en particulier à leur mère, la lecture, l’écriture, le calcul et des compétences de base. Il avait pour objectif initial de faciliter la communication écrite entre enseignants et parents et de favoriser le développement d’une approche holistique de l’éducation des enfants. Au fil des années, il deviendra une opportunité pour les filles déscolarisées, mais aussi pour les jeunes, les adultes et les vieilles femmes des quartiers défavorisés d’apprendre à lire et à écrire.
Aagahi, mot d’origine urdu, une des langues officielles du Pakistan, veut dire « éveil des consciences ». Le curriculum du programme est conçu pour promouvoir les compétences de base et à améliorer l’aptitude des participants à effectuer des tâches comme la gestion du budget familial et la communication courante.
Le programme Aagahi cible principalement les femmes jeunes et adultes de 12 à 65 ans des zones rurales et des taudis urbains proches des écoles de la Fondation. Si les femmes constituent la majorité de ses effectifs (environ 97 pour cent), les hommes n’en sont pas moins conviés à participer. Il accueille aussi des filles de moins de 12 ans ou des femmes de plus de 65 ans désireuses d’améliorer leur niveau d’alphabétisme, de numératie et de compétences de base.
L’urdu est la principale langue d’enseignement, mais le programme utilise également d’autres langues régionales comme le sindhi, le pashto, le punjabi, le saraiki et le balochi. Depuis son lancement, il a desservi les habitants de quarante-trois localités du Pakistan.
Au total, il achevé 19 cycles à ce jour et permis à près de 48.350 apprenants d’acquérir et d’améliorer leur niveau d’alphabétisme et de compétences de base. Il ambitionne d’alphabétiser 10.000 individus par an (The Citizens Foundation, 2016).
TCF met en œuvre le programme Aagahi avec le concours de Community Development Unit (CDU), qui en assure la coordination globale. Un directeur de programme dédié, issu de l’équipe de CDU, est chargé de sa conception et de sa mise en œuvre. Des équipes opérationnelles à divers échelons (région, zone et école) aident CDU à s’assurer de l’exécution effective du programme sur site.
Pour ce programme, TCF travaille en partenariat avec une autre fondation pakistanaise, la Literate Pakistan Foundation, qui offre son expertise technique en élaboration de curricula et en formation. Pour couvrir les coûts du programme, l’agence de mise en œuvre a collecté des fonds auprès de donateurs privés. C’est ce qui permet de dispenser des cours gratuits à tous les apprenants.
Buts et objectifs
Ce programme a pour but d’enseigner la lecture, l’écriture et le calcul aux personnes jeunes, adultes et âgées, principalement les femmes, sous forme de cours d’alphabétisation non formelle.
Le programme se fixe les objectifs spécifiques suivants :
- contribuer à créer un environnement d’apprentissage propice pour les élèves des écoles de la Fondation en améliorant le niveau d’alphabétisme des membres féminins de leur famille, notamment leur mère ;
- favoriser une mobilisation sociale active des membres des communautés voisines des écoles de la Fondation, en particulier les femmes, en améliorant leur niveau d’alphabétisme ;
- transformer positivement les communautés locales en offrant aux citoyens, en particulier aux femmes, des chances d’apprendre les pratiques de santé et d’hygiène adéquates.
Mise en œuvre du programme
Le programme se déroule deux fois par an en cycles de quatre mois, de février à mai et de septembre à décembre, qui coïncident avec l’année scolaire des écoles TCF. Chaque cycle comprend quatre-vingt-dix jours de cours et une période supplémentaire de planification et de coordination. La Figure 1 présente les étapes d’un cycle de mise en œuvre.
Les cours d’alphabétisation et de numératie ont lieu six jours par semaine et deux heures par jour, pour un total de 180 heures d’apprentissage en 90 jours de cours par cycle. À l’issue du cycle, les participants savent effectuer des tâches comme lire la presse locale, rédiger des lettres simples, lire une ordonnance médicale, remplir et signer un formulaire, ouvrir et gérer un compte bancaire, effectuer de l’arithmétique simple pour gérer le budget familial, lire les indications dans la rue, payer des factures et lire et envoyer des textos. En moyenne, le ratio enseignant-apprenant est de 1:15.
Les sessions d’apprentissage se tiennent dans un centre choisi en fonction de sa convenance pour les participants. Par centre, la Fondation entend un groupe d’apprenants, pas nécessairement une structure physique, mais un lieu dans lequel les bénéficiaires du programme se retrouvent pour suivre les cours d’alphabétisation et de numératie. Il peut s’agir d’une de ses écoles, d’une école indépendante ou d’un espace communautaire tel que le domicile d’un enseignant ou d’un apprenant – ce dernier type de site est généralement appelé « centre communautaire ». De 2006 à ce jour, le programme a été mis en œuvre dans 3.200 centres. La Figure 2 en montre la répartition géographique.
Enseignement et apprentissage : approches et méthodes
L’alphabétisation repose sur une méthode d’enseignement-apprentissage phonétique qui permet aux participants d’apprendre les lettres et les mots en les associant aux sons et prononciations correspondants. De cette façon, ils découvrent progressivement les voyelles et les consonnes. Ils améliorent également leur aptitude à identifier la modification du sens des mots résultant de l’ajout de signes diacritiques.
Lors d’une session typique, les participants apprennent à lire l’alphabet et, plus tard, à former des mots. Une fois qu’ils se sont familiarisés avec les lettres et les chiffres, ils sont en mesure de reconnaître les dates numériques et les jours de la semaine. L’enseignant les aide à écrire les exercices dans leurs cahiers. Ils créent des affiches afin de renforcer leurs compétences et développer leurs connaissances dans un domaine spécifique. Les autres leçons incluent des jeux de rôles et des exercices d’écriture de textos.
Même si l’urdu est la langue d’instruction principale, les enseignants peuvent, au besoin, utiliser des mots ou expressions en langues locales ou régionales, telles que le sindhi, le pashto ou le punjabi, pour se faire bien comprendre. Le programme inclut quelques cours d’initiation à l’anglais en fin de cycle, notamment l’apprentissage de l’alphabet et de quelques mots et expressions simples.
Contenu et supports d’enseignement
TCF conçoit le contenu et les supports d’enseignement du programme en collaboration avec son partenaire technique, Literate Pakistan Foundation, qui participe activement à la conception du curriculum et se charge de réaliser les supports.
Le module d’alphabétisation repose sur le curriculum Jugnoo Sabaq, mis au point par Literate Pakistan Foundation pour l’alphabétisation en langue urdu. Enseigné dans les programmes d’alphabétisation des écoles publiques, ce curriculum est adapté et utilisé dans les contextes non formels en zone périurbaine et rurale. TCF a introduit des innovations en orientant le programme Aagahi vers le développement des compétences de la vie courante et la sensibilisation aux questions de santé et d’hygiène.
Le curriculum Jugnoo Sabaq se compose de quatre manuels : un pour enseigner le calcul de base et les trois autres pour la reconnaissance phonétique des sons et l’alphabétisation de base. Ces manuels sont réalisés en langue urdu. Le contenu du programme se répartit entre les quatre manuels comme suit :
- Livre 1 : les participants apprennent à associer les mots aux sons correspondants et découvrent les voyelles et les consonnes. Ils reconnaissent l’alphabet, écrivent les lettres et les caractères et forment des mots courts d’une ou deux lettres. Le contenu est organisé de manière à présenter en premier les lettres permettant de former le plus de mots. Les lettres les moins fréquentes sont présentées plus tard.
- Livre 2 : avec le deuxième livre, les participants apprennent à combiner les lettres et à former des mots complexes de trois ou quatre lettres.
- Livre 3 : les participants découvrent les signes diacritiques et comment l’ajout de caractères spéciaux peut modifier le sens des mots. À ce stade, ils savent écrire des phrases simples. Pour la suite du livre, ils apprennent à les convertir en paragraphes, et plus tard, en une lettre ou un récit.
- Livre 4 : le quatrième livre renforce les acquis et aide les apprenants à construire des textes plus complexes. Dans sa dernière partie, il enseigne le calcul, avec notamment des exercices d’arithmétique simples, tels que compter et faire des additions et des soustractions à trois chiffres.
TCF et son partenaire technique distribuent les quatre manuels à chaque apprenant.
Recrutement et formation des enseignants
Les enseignants sont employés et payés à temps partiel. Il peut s’agir d’employés de TCF, d’enseignants ou de principaux des écoles de la Fondation ou d’autres établissements, ou encore de toute personne titulaire du diplôme d’enseignement moyen (dix ans d’études) national ou provincial. Dans le passé, d’anciens élèves de TCF ont aussi enseigné pour la Fondation. En général, les enseignants appartiennent à la communauté qui abrite le centre d’apprentissage.
TCF se charge de recruter les enseignants. Pour ce faire, elle désigne un directeur d’école ou un enseignant expérimenté comme « représentant d’Aagahi » avant le démarrage de chaque cycle. Ce denier est chargé de recruter les enseignants directement au niveau des centres. Il est tenu de télécharger et d’actualiser les dossiers des enseignants dans le système d’information administrative (MIS) interne de la Fondation. Ces informations sont utiles pour recruter des suppléants, mais aussi lors de l’étape d’identification des besoins, car la disponibilité d’enseignants est un critère décisif pour l’ouverture d’un centre d’apprentissage. Si une localité ne dispose pas d’enseignants qualifiés, des cours d’alphabétisation non formelle ne pourront pas y être organisés.
Pour chaque cycle, tous les enseignants suivent obligatoirement une formation des formateurs (FDF) de huit heures, réparties en deux demi-journées. Une formation initiale est dispensée avant le démarrage des cours, suivie six mois plus tard d’une formation continue en milieu de cycle. La formation comporte deux parties de quatre heures :
- Formation 1 : cette partie porte sur le contenu et la méthode d’enseignement des Livres 1 et 2. Les enseignants apprennent à effectuer une évaluation initiale pour déterminer le niveau d’alphabétisme des apprenants, mais aussi à évaluer les compétences après l’achèvement du Livre 2.
- Formation 2 : la seconde partie porte sur le contenu et la méthode d’enseignement des Livres 3 et 4.
L’organisation de mise en œuvre coordonne le recrutement des enseignants et apporte un soutien opérationnel pour leur formation tandis que son partenaire technique Literate Pakistan Foundation est la principale organisation chargée de dispenser ces sessions de formation. Aucun diplôme formel n’est remis aux enseignants qui y participent.
Les sessions de FDF constituent pour les enseignants une occasion de discuter, avec leurs formateurs et leurs collègues, des problèmes qu’ils rencontrent en classe. Les formateurs développent les compétences des enseignants en méthode d’enseignement-apprentissage phonétique et en évaluation des apprenants. Ils leur donnent une liste de mots et expressions tirés du contenu du programme pour tester leurs résultats d’apprentissage. Ensuite, ils leur enseignent à tenir un emploi du temps quotidien et à utiliser un plan d’activités. Les sessions de FDF développent aussi des aptitudes relationnelles comme l’assurance et l’empathie vis-à-vis d’apprenants aux aptitudes et âges divers et variés.
Tant les enseignants nouvellement recrutés que ceux qui ont participé à des cycles antérieurs du programme sont tenus d’effectuer le même temps de formation. Les enseignants expérimentés expliquent aux nouveaux comment résoudre les problèmes sur le terrain.
Les sessions de formation incluent aussi un chapitre sur les compétences opérationnelles consacré aux thèmes suivants :
- ID de centre : les enseignants reçoivent l’ID attribué au centre qui abrite le cours. Les ID de centre dépendent de la localité et sont réattribués aux enseignants avant le début de chaque cycle.
- Envoi de la liste de présence des apprenants par SMS : les enseignants apprennent à faire ce travail par SMS à l’aide de leur téléphone portable. On leur explique les erreurs fréquentes à éviter et comment améliorer la fréquence d’envoi de ces listes. La section consacrée au suivi explique ce système plus en détail.
- Distribution des supports d’apprentissage : il incombe aux enseignants d’identifier les déficits en supports.
- Rémunération des enseignants : les formateurs expliquent les changements de mode de calcul du salaire (le cas échéant) et les problèmes liés à la réception des salaires.
- Processus de mise en œuvre : les formateurs présentent aux enseignants les modifications ou les nouvelles modalités d’application de la politique ou des procédures de l’organisation.
Recrutement et évaluation des besoins des apprenants
Avant le démarrage de chaque cycle, les représentants d’Aagahi identifient les participants susceptibles d’être intéressés par les cours d’alphabétisation non formelle. En général, ils identifient les besoins de la communauté lors des réunions parents-enseignants en demandant si les parents, les membres de leur famille ou leurs voisins voudraient améliorer leur niveau d’alphabétisme. Comme la plupart des enseignants d’Aagahi appartiennent à la communauté, il leur est relativement facile d’identifier les besoins locaux en alphabétisation. En particulier, ils encouragent les femmes à s’inscrire.
De leur côté, les représentants d’Aaghai recrutent des apprenants potentiels à l’occasion d’autres événements ou d’interactions entre les écoles de la Fondation et la communauté. Par exemple, lors du rassemblement matinal de l’école, le directeur et les enseignants annoncent où et quand se tiendront les cours. De plus, les anciens participants servent de porte-paroles et aident à promouvoir le programme auprès de leur communauté.
Après la mise en œuvre d’un cycle dans une localité, le bouche-à-oreille devient un des moyens les plus efficaces pour informer les candidats intéressés. Une fois que plusieurs cycles du programme ont été exécutés dans une certaine localité, les apprenants intéressés peuvent demander aux représentants d’Aagahi d’organiser aussi des sessions d’apprentissage dans leur communauté ou quartier. Après le démarrage effectif des cours d’alphabétisation, le délai d’inscription est prorogé de deux semaines pour permettre aux apprenants eux-mêmes de recruter d’autres participants.
Les apprenants s’inscrivent au niveau des centres avec l’aide des représentants d’Aagahi et des enseignants. Avant le début de chaque cycle, les enseignants font une évaluation initiale pour connaître le niveau d’alphabétisme de chaque apprenant. Lors de cet exercice, ils demandent aux participants de tenir un crayon et d’écrire quelques mots simples et une phrase en urdu.
Évaluation des résultats d’apprentissage
Les évaluations des apprentissages ont lieu deux fois par cycle, après l’achèvement des deuxième et quatrième livres. À l’achèvement de chaque cycle, les apprenants doivent être en mesure de lire et comprendre des textes courants, d’écrire et d’effectuer des calculs simples. La Figure 3 explique le calendrier d’évaluation de chaque cycle.
Les enseignants font une évaluation écrite et orale de chaque apprenant en classe, en mesurant leur aptitude à lire et à écrire des mots et des expressions clés. Les apprenants doivent en outre résoudre des exercices de compréhension. Les évaluations ne sont pas notées. Les enseignants utilisent les résultats pour regrouper les apprenants par niveau de performance.
Les participants ayant obtenu des résultats satisfaisants lors des deux évaluations sont déclarés admis, et Literate Pakistan Foundation leur délivre des attestations de fin de formation.
Ce programme d’alphabétisation permet aux participants d’acquérir des compétences de base, mais il ne leur permet pas d’intégrer automatiquement le système éducatif formel. Néanmoins, certains ont poursuivi leur apprentissage à l’issue du programme et ont pu, avec l’aide des enseignants d’Aagahi, passer l’examen officiel d’admission dans l’enseignement formel.
Suivi et évaluation
La cellule CDU (Community Development Unit) assure les activités centralisées de suivi et évaluation. Elle le fait sur la base de trois indicateurs de performance clés : effectif moyen par classe, nombre net de centres (en soustrayant ceux qui ne sont plus opérationnels) et nombre d’admis.
Avant le démarrage de chaque cycle, le système MIS attribue un code ID unique à chaque centre d’alphabétisation. Ce code permet au personnel de la Fondation d’identifier facilement chaque centre, sa position géographique et son personnel (enseignants, superviseurs, représentants, etc.). De plus, il contient les informations personnelles des apprenants du centre.
Pour recueillir des informations sur l’assiduité des apprenants, l’organisation de mise en œuvre a mis en place un système de collecte de données basé sur la téléphonie mobile qui permet aux enseignants, où qu’ils se trouvent au Pakistan, d’envoyer tous les jours des fiches de présence par SMS. L’organisation enregistre ces données dans son système de gestion interne. Le message, envoyé par l’enseignant à un numéro spécial, indique l’ID du centre, la durée du cours et l’effectif présent. En retour, le système lui envoie une réponse automatique de remerciement si le message est valide ou la notification « Message incorrect » si le SMS ne respecte pas la syntaxe requise.
Pour pouvoir collecter des données d’assiduité à l’aide de la messagerie mobile, TCF a contacté plusieurs fournisseurs, puis engagé un opérateur de téléphonie pour obtenir des appareils et des cartes SIM et déployer le système dans quarante-trois villes. La cellule CDU a travaillé en étroite collaboration avec le service informatique et les fournisseurs techniques de la Fondation pour résoudre les problèmes de mise en œuvre.
Le système de suivi de l’assiduité par SMS a permis à la cellule CDU de suivre les centres à distance de façon régulière. L’équipe suit l’assiduité, identifie les zones à envoi peu fréquent de fiches de présence ou à faible effectif et rend compte à leurs représentants d’Aagahi respectifs. Ce travail de suivi a un triple objectif : veiller à l’envoi à temps des fiches de présence, réduire au maximum le nombre de centres qui n’envoient pas de fiches et prendre en main les cas de faible participation. À cet effet, la cellule CDU publie des rapports hebdomadaires qui sont ensuite envoyés aux équipes de terrain pour application des mesures correctives.
De même, la cellule CDU a créé une équipe de supervision locale constituée de « superviseurs d’Aagahi ». Il s’agit de membres qualifiés de la communauté ou de membres du personnel choisis par un représentant d’Aagahi. Ils sont chargés d’organiser deux visites de terrain par cycle dans le but de vérifier la validité des données et d’identifier les aspects à améliorer. Le superviseur se rend périodiquement dans les centres communautaires pour s’assurer qu’ils sont actifs, fonctionnent normalement et disposent de tous les supports d’enseignement-apprentissage. Comme pour les enseignants, les représentants d’Aagahi sont tenus de télécharger et de mettre à jour les données des superviseurs dans le système de gestion interne de la Fondation, au cas où il serait nécessaire de les suppléer.
Les superviseurs d’Aagahi jouent un rôle important dans l’évaluation des résultats d’apprentissage : lors de leurs visites de terrain, ils assistent aux sessions et posent aux participants certaines questions relatives au contenu du programme. S’ils sont en mesure d’expliquer ce qu’ils ont appris récemment à une personne extérieure, le superviseur jugera leur niveau satisfaisant. Lors de ces visites, le superviseur collecte des informations et établit un rapport à l’aide d’un formulaire de suivi AMF (Aagahi Monitoring Form), un outil mis au point par la cellule CDU. Superviseurs et enseignants sont formés différemment en suivi et rédaction de rapports à l’aide de formulaires AMF. Ceux-ci sont convertis en tableaux et analysés afin de mesurer l’efficacité des centres dans les différentes régions sur la base de l’évaluation faite par les superviseurs. Ainsi, l’organisation de mise en œuvre pourra noter les centres d’alphabétisation à partir de la performance des apprenants.
Les enseignants aussi participent au suivi et évaluation à travers leur feedback sur la mise en œuvre globale du programme, mais aussi sur la performance des formateurs et la qualité de la formation. Ils livrent leur évaluation finale après avoir participé aux FDF.
Impact et défis
Impact et réalisations
De 2005 à ce jour, le programme a bouclé 19 cycles et ouvert plus de 3.200 centres d’apprentissage et desservi 43 localités au Pakistan. Entre autres, il a obtenu les résultats suivants :
- Au total, 48.350 apprenants y ont participé, acquérant et développant différents niveaux d’alphabétisme, de numératie et compétences de base.
- 98 pour cent des apprenants qui ont réussi sont des femmes.
- Le taux moyen d’achèvement est de 94,8 pour cent.
- Pour ses 19ème et 20ème éditions en 2015 et 2016, le programme a obtenu les résultats suivants :
- Plus de 5.000 apprenants qualifiés par cycle
- Plus de 10.000 apprenants qualifiés par an
- Taux moyen de redoublement de 4 pour cent
- 1.127 apprenants (11 pour cent) issus des communautés voisines des écoles de la Fondation ou de la famille d’un élève de ces écoles.
La composante numératie permet aux participants d’effectuer des opérations d’arithmétique simple, ce qui améliore fortement leur vie quotidienne puisqu’ils ne dépendent plus de personne pour les aider à compter leur argent ou faire des transactions commerciales simples. Le programme Aagahi a également fait comprendre davantage l’importance de l’alphabétisation dans la vie quotidienne des participants et a encouragé les familles à vaincre leur réticence vis-à-vis de l’éducation. Cette hostilité prédomine tout particulièrement chez les communautés dont les femmes ont généralement besoin de l’autorisation de leurs proches pour aller à l’école et sont souvent privées du droit à l’éducation. En particulier, le programme a atteint des femmes jeunes et adultes des quartiers défavorisés proches des écoles de la Fondation. En donnant une chance d’accès à l’alphabétisation aux femmes des familles des écoliers de la Fondation, le programme a aussi contribué à créer un environnement d’apprentissage familial propice et fortement amélioré la communication entre élèves, parents et enseignants.
Témoignages de participants
« Quand mes enfants apportent des devoirs, je suis en mesure de les aider. Aagahi a ravivé mon désir de lire et d’en savoir plus sur le monde environnant ». –Shabnam
« Désormais, je sais lire des instructions, des ordonnances et des panneaux de signalisation en urdu. C’est comme si, à présent, je voyais tout autour de moi ». –Razia Bibi
« Pour moi, Aagahi n’est pas une simple activité pour passer le temps : il m’a changé la vie ! Je suis autonome, confiante et optimiste quant à l’avenir ». –Kaneez Fatima
Le témoignage de Fatima, une élève d’Aagahi qui a intégré le système éducatif formel
Le témoignage de Yasmeen, une ancienne du programme devenue enseignante à Aagahi et mentor de Fatima.
Défis et leçons apprises
Avec le développement du programme et l’extension de son objectif et de sa couverture géographique, le personnel a rencontré de multiples défis et appris de nombreuses leçons. Les défis incluent les suivants :
- Avec la multiplication des centres et des villes participantes, les flux financiers ont dû être rationalisés, et les charges maîtrisées. Des avancées telles que le système d’envoi de fiches de présence par SMS et le lancement d’un nouveau livret de santé et d’hygiène ont augmenté le coût par apprenant sortant.
- L’expansion du programme à d’autres villes exige d’harmoniser ses politiques, supports d’enseignement, formations et communications. C’est pourquoi chaque nouvel enseignant doit subir la même formation afin d’animer les cours d’alphabétisation selon les mêmes formats dans toutes les régions. Actuellement, la formation tient compte des différences de niveaux d’expérience, de capacités d’apprentissage et de maturité du personnel, et la communication quotidienne reste brève et simple afin d’être facilement comprise de l’ensemble du personnel.
- De la gestion de centres d’alphabétisation situés en majorité dans des écoles, le programme est passé à celle de plus de 83 pour cent des centres d’apprentissage situés en milieu communautaire. Ce changement vise à faciliter la participation des résidents de zones éloignées et à contourner le manque d’espace dans les écoles TCF. Le recours aux centres communautaires exige un suivi plus strict par rapport aux sessions organisées dans une école puisque celle-ci offre plus de proximité physique avec le personnel de suivi de la Fondation et leurs activités quotidiennes.
- La remontée tardive de données de terrain a amené la cellule CDU à améliorer les activités de suivi et à instaurer des changements tels que le système de suivi de l’assiduité par SMS et un niveau supplémentaire de suivi – les superviseurs d’Aagahi.
- Le système d’envoi de fiches de présence par SMS a été, dans un premier temps, expérimenté dans une région. Cette phase pilote couplait les méthodes manuelle et mobile en vue de comparer les données par la suite. Une fois les problèmes d’envoi et de réception de messages identifiés et les solutions testées et rectifiées, le système a été progressivement étendu aux autres régions.
- La phase pilote a révélé la nécessité d’acheter des téléphones portables pour tous les enseignants d’Aagahi, de les doter de crédit et de former le personnel des différents échelons à la nouvelle méthode de saisie des données. La cellule CDU a acquis des appareils et des cartes SIM postpayées et adapté le système de son service informatique à celui de l’opérateur de téléphonie. La gestion et la réparation d’appareils mobiles sont venues s’ajouter à sa responsabilité opérationnelle. Comme la plupart des membres du personnel préféraient utiliser leur propre téléphone au lieu de ceux de TCF, la cellule CDU a dû finalement révisé le système en conséquence.
- Avec l’extension de la phase pilote à toutes les régions, il convenait d’adapter le processus, les critères et les outils de suivi – notamment, les formulaires de suivi – aux réalités locales. Il a fallu former les superviseurs séparément, et ceux qui participaient déjà régulièrement au programme ont été recyclés en vue d’éviter les erreurs couramment commises en remplissant les formulaires.
- Un taux d’abandon de 25 pour cent a été noté. Les raisons sont diverses : par exemple, certains apprenants non assidus ont décidé d’abandonner parce que leur classe avait beaucoup avancé pendant leur absence. Dans d’autres cas, l’abandon s’explique par le manque de motivation dès le départ, l’impossibilité de continuer à suivre les cours à cause des responsabilités familiales ou l’absence supposée d’intérêt à s’éduquer à l’âge adulte. Face au manque de motivation, l’organisation met désormais l’accent sur le processus de sélection des sites abritant les centres d’apprentissage et privilégie les localités dont les apprenants désirent vraiment achever le programme.
- La cellule CDU a inclus du contenu à impact social dans les sessions d’alphabétisation, y compris un module sur la santé et l’hygiène. L’évaluation dudit contenu et l’intérêt manifesté par les donateurs ont mis en évidence la nécessité de le développer et de l’enrichir – ce qui a posé le défi de trouver de la matière qui réponde aux besoins de la communauté tout en restant compréhensible pour les apprenants.
- La formation simultanée d’enseignants nouvellement recrutés et expérimentés a également été un défi : elle devait être assez simple pour les nouveaux, mais aussi comporter des thèmes suffisamment variés pour encourager leurs collègues expérimentés à continuer de participer. Pour cela, les supports de formation devaient être interactifs.
- À la demande des apprenants, l’anglais a été ajouté au curriculum. Lors des premières éditions, les participants ont exprimé le souhait d’apprendre à lire en anglais après avoir maîtrisé la lecture de base en urdu. Pour cette raison, le curriculum a été développé et inclut l’alphabet anglais et un peu de vocabulaire à la fin du quatrième livre. Cela a fortement contribué à réduire les abandons à la fin de chaque cycle, même si l’alphabet anglais et des mots simples sont enseignés tout au long du cours afin de stimuler l’assiduité.
Concernant l’harmonisation du processus, la cellule CDU a adopté les mesures d’accompagnement suivantes :
- Publication de notes d’orientation et mise en place d’un service d’assistance téléphone pour enregistrer et résoudre les problèmes au niveau administratif et local.
- Conception d’un livret de formation contenant tous les formulaires, notes d’orientation et problèmes rencontrés par le personnel de terrain lors des cycles précédents, à distribuer à tous les stagiaires au début de chaque cycle.
- Organisation de formations par niveaux afin de clarifier davantage les rôles et responsabilités aux niveaux régional, zonal et local.
- Vérification du respect des protocoles de communication, notamment l’obligation de faire passer la communication avec le personnel de terrain par les coordinateurs régionaux. Les notes d’orientation étant rédigées en urdu, les coordinateurs régionaux sont sûrs que les obstacles linguistiques n’entravent pas la communication avec les équipes de terrain.
- Interaction entre la cellule CDU et les coordinateurs régionaux et zonaux via les groupes de messagerie mobile pour partager des informations utiles au quotidien.
Pérennité
La cellule CDU envisage de poursuivre l’expansion territoriale du programme et de renforcer l’accès. À cet effet, elle entend adopter les stratégies suivantes :
- Organisation et exécution d’activités de mobilisation sociale en vue d’augmenter le nombre de centres dans les zones où il est difficile d’attirer de nouveaux participants, notamment dans la région nord du pays.
- Mise en œuvre récente d’un partenariat public-privé The Citizens Foundation – Government Schools Programme (TCF-GSP) à travers lequel la Fondation veut ouvrir trente nouveaux centres d’alphabétisation dans les écoles publiques des provinces de Khyber Pakhtunkhwa, Punjab et Sindh.
En outre, la cellule CDU travaille avec son partenaire technique pour renforcer le processus de formation et offrir une formation à des mentors locaux, qui deviendront plus tard des formateurs d’Aagahi, afin d’améliorer la disponibilité de formateurs et l’harmonisation de la formation entre les différentes régions. Par ailleurs, une révision du processus de suivi a été initiée dans le but d’améliorer le processus de recrutement et les aptitudes des superviseurs d’Aagahi.
Pour assurer la pérennité des ressources financières du programme, The Citizens Foundation compte sur l’appui de Literate Pakistan Foundation, en particulier pour les supports de cours et la formation des enseignants. Consciente que les supports d’apprentissage et la formation absorbent environ 40 pour cent du budget du programme, TCF a élaboré un plan financier quinquennal et, en collaboration avec son partenaire technique, un plan d’expansion qui tient compte des projections de coûts et d’inflation pour les années à venir. Cette planification financière vise un double objectif : améliorer la gestion des dépenses et optimiser la répartition des ressources.
Sources
- Literate Pakistan Foundation. 2016. Urdu Literacy. (Consulté le 16 novembre 2016).
- The Citizens Foundation. 2016. Aagahi Urdu Adult Literacy Program 2016-17 (juin 2016).
- UIS (Institut de statistique de l’UNESCO). 2016. Profil de pays – Pakistan. (Consulté le 16 novembre 2016).
- PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). 2015. Rapport sur le développement humain 2015 – Pakistan. (Consulté le 16 novembre 2016).
- UNESCO. 2012. L’Indice de développement de l’EPT (EDI) et ses composantes, 2012. (Consulté le 16 novembre 2016).
- Banque mondiale. 2016a Displaced children in Pakistan go back to school. (Consulté le 16 novembre 2016).
- Banque mondiale. 2016b. Pakistan Overview. (Consulté le 16 novembre 2016).
Contact
Mr. Nabeel Khan
Manager, Community Development Unit
The Citizens Foundation
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Karachi
Pakistan
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