Éléments clés du programme
Titre du programme | Programme d’alphabétisation fonctionnelle intégré dans la formation technique spécifique des agriculteurs du tiers sud du Sénégal et basé sur l’expérience de la SODEFITEX. |
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Nom de l’organisation responsable | Société de développement et des fibres textiles (SODEFITEX) |
Langues d’instruction | Langues nationales (pulaar, mandingue et wolof) |
Date de fondation | 1982 - Toujours en cours |
Partenaires du programme | BAMTAARE SERVICES, une filiale de la SODEFITEX en charge de l’alphabétisation dans des langues nationales ; Fédération nationale des producteurs de coton (FNPC), membre du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) ; Direction de l’alphabétisation et des langues nationales, Direction de la formation professionnelle et technique, inspections académiques |
Financement | SODEFITEX (autofinancement) |
Coûts annuels du programme | 72 000 000 FCFA |
Coûts annuels par apprenant | 250 000 FCFA sur les trois dernières années 2016-2018 et 2019 |
Contexte du secteur de l’éducation au Sénégal
Le développement du secteur éducatif au Sénégal est actuellement fortement influencé par le plan stratégique et le cadre d’opérationnalisation de la politique éducative pour la période 2018-2030, qui ont été ajustés au programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et au Cadre d’action pour la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4). Ce plan stratégique national, basé sur le Plan Sénégal émergent (PSE) lancé en 2013 par le gouvernement sénégalais, a pour ambition de construire un « Sénégal émergent à l’horizon 2035 avec une société solidaire dans un État de droit ». Pour réaliser cette vision et atteindre ce nouvel objectif stratégique, le gouvernement a fait de l’éducation et de la formation son cheval de bataille – une approche portée par le Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence de l’éducation et de la formation (PAQUET – EF, 2018-2030).
Source : l’Institut de statistique de l’UNESCO
De ce fait, des progrès remarquables ont été enregistrés depuis 2013, ce qu’illustrent notamment la baisse de la déperdition scolaire au sein des structures de développement intégré de la petite enfance (DIPE), qui est passée de 18 à 10 % entre 2013 et 2015, la hausse du taux brut de préscolarisation, qui est passé de 15,2 % à 16,8 % sur la même période, ou encore l’augmentation du taux d’achèvement dans le cycle moyen, qui est quant à lui passé de 34,7 % en 2012 à 39,5 % en 2015. Dans l’enseignement secondaire général, le taux brut de scolarisation a atteint 43,06 % en 2015, dépassant ainsi l’objectif qui avait été fixé à 27,1 %. Le taux global d’élèves qui atteignaient la terminale en 2015 dépassait quant à lui de près de 20 points l’objectif fixé pour cette même année. Notons aussi l’augmentation du pourcentage des nouveaux bacheliers orientés vers l’enseignement supérieur, qui est passé de 98 % en 2013 à 100 % en 2015.
Cependant, le système connaît toujours des insuffisances préoccupantes. D’après le rapport du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence de l’éducation et de la formation (PAQUET – EF, 2018), les performances scolaires restent peu satisfaisantes, et ce à tous les niveaux du système, particulièrement en matière d’efficacité interne et de réussite aux apprentissages et aux examens du cycle fondamental au secondaire. Par exemple, au terme du cycle d’enseignement élémentaire, peu d’élèves atteignent le seuil des compétences de base en lecture et en calcul, soit respectivement 61 % et 59 % des élèves. Vient s’ajouter à cela le faible niveau d’acquisition d’autres compétences, comme l’aptitude à résoudre des problèmes ou encore la capacité à relier entre eux des faits de la vie quotidienne. Dans le même registre, le Sénégal, comme tous les autres pays d’Afrique subsaharienne, reste caractérisé par un niveau élevé d’analphabétisme des populations adultes. Dans l’estimation fournie par l’UNESCO, en 2017, le taux d’analphabétisme chez les personnes de 15 ans et plus au Sénégal était plus élevé chez les femmes que chez les hommes (voir figure 1). Mingat et al. (2013) soutiennent que, si la proportion d’adultes analphabètes paraît reculer depuis quelques années, la croissance démographique se traduit en réalité par une progression de leur nombre.
Pour remédier aux problèmes évoqués ci-haut, le gouvernement du Sénégal a mis en place une nouvelle politique d’éducation, mieux connue sous le nom de « système d’éducation de base ». Cette politique est conçue de façon à intégrer diverses filières et modalités de prestations formelles et non formelles. Elle offre ainsi à chacun et à chacune des opportunités d’apprentissage adaptées à ses besoins et conditions afin que toutes et tous puissent acquérir un socle commun de compétences de base. Ce système d’éducation de base couvre l’éducation préscolaire, le cycle fondamental, les « daaras » modernes (ce terme désigne les écoles coraniques modernes au Sénégal, ndlr), l’alphabétisation, les modèles alternatifs et l’apprentissage traditionnel rénové. Plus précisément, en ce qui concerne l’alphabétisation des jeunes et adultes, le gouvernement du Sénégal a créé un sous-secteur, « l’éducation de base des jeunes et des adultes analphabètes » (EBJA), une offre d’éducation non formelle qui, dans le cadre des écoles communautaires de base (ECB), permet de développer des modèles alternatifs d’enseignement (écoles communautaires de base et classes passerelles) pour prendre en charge des jeunes âgés de 8 à 15 ans non scolarisés ou déscolarisés. L’éducation de base des jeunes et des adultes analphabètes permet aussi de s’adresser à des apprenants de 15 ans et plus, notamment à des femmes dans les classes d’alphabétisation fonctionnelles (CAF).
Les progrès en matière d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Sénégal exigeront un effort soutenu, concerté et redoublé. C’est dans ce contexte que s’inscrit la démarche actuelle de la Société de développement et des fibres textiles (SODEFITEX) qui permet aux agriculteurs analphabètes d’acquérir des compétences en lecture, en écriture et en calcul dans des langues nationales, ce qui permet d’accroître la productivité agricole en améliorant la diffusion des innovations et des compétences techniques et de gestion des exploitations familiales.
Aperçu sommaire du programme
Ce programme d’alphabétisation fonctionnelle a été mis en place en 1982 en raison du taux de scolarisation particulièrement faible dans les zones rurales du Sénégal oriental et de la Casamance continentale. La SODEFITEX, une société anonyme crée en 1974 et devenue privée le 13 novembre 2003, avait alors lancé les premières classes d’alphabétisation dans des langues nationales avec pour objectif de soutenir la professionnalisation des organisations d’agriculteurs.
La SODEFITEX, s’inscrit dans un « business model » d’agriculture contractuelle pour l’approvisionnement de ses usines. Elle apporte à des milliers d’exploitations agricoles familiales des conseils agricoles, des intrants et des équipements, afin que leur productivité et leur rémunération soient les meilleurs possibles. Ces partenaires-producteurs lui fournissent du coton et des céréales d’excellente qualité à des prix négociés avant les semis, que la SODEFITEX s’engage à acheter, à quelques exceptions près concernant la production céréalière. À ce titre, elle veut jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre du programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS), le volet agricole du Plan Sénégal émergent dans sa zone d’intervention.
La mise en œuvre de ce modèle nécessite des agriculteurs bien formés, par conséquent susceptibles d’assurer pleinement leurs engagements contractuels, de livrer des produits de qualité avec une excellente productivité dans les champs et de bien rentabiliser le crédit agricole. L’alphabétisation et la formation professionnelle des agriculteurs constituent donc des axes clés de la stratégie de développement agro-industriel prônée par la SODEFITEX. Le programme consiste à créer un environnement alphabétisé en sortant les producteurs bénéficiaires de l’analphabétisme pour qu’ils apprennent à maîtriser la lecture et l’écriture courantes ainsi que le calcul dans les langues nationales de la zone (le pulaar, le wolof et le mandingue comme base de la formation professionnelle aux métiers de relais technique en production végétale, de chef de culture, de chef d’exploitation agricole, de relais technique en production animale.
Le programme est actuellement opérationnel dans les régions de Kolda, Tambacounda, Kédougou, Sédhiou, Kaffrine, Kaolack et Fatick dans le sud du Sénégal. Chaque année, plus de 100 apprenants s’y inscrivent. Ce programme de formation professionnelle technique qui s’appuie sur l’alphabétisation fonctionnelle connaît un très grand succès. Une fois la formation terminée, environ 90 % des apprenants sont employés au service des groupements de producteurs de leurs villages et des grandes exploitations familiales dont ils sont issus.
Buts et objectifs généraux du programme
L’objectif principal de ce programme est de développer les compétences techniques des agriculteurs en contrat avec la SODEFITEX en s’appuyant sur l’alphabétisation fonctionnelle dans des langues nationales. L’investissement dans la formation des ressources humaines dans des langues nationales constitue un pilier pour l’organisation, la structuration et la professionnalisation du monde rural. Plus spécifiquement, le programme cherche à :
- Favoriser la prise en main de l’apprentissage par les populations à la base à travers une alphabétisation fonctionnelle suivie d’une formation technique spécifique dans la langue maternelle des apprenants ;
- Utiliser les savoirs tant traditionnels que modernes des partenaires agro-pasteurs dans une perspective de formation continue, en les impliquant, selon les exigences du moment, dans le processus de développement de l’économie rurale et de leur environnement immédiat ;
- Renforcer la contribution des exploitations agricoles familiales à l’avènement de la souveraineté alimentaire au Sénégal ;
- Mettre à la disposition des communautés des ressources humaines locales de qualité pour promouvoir un développement socio-économique à la base.
Groupes cibles du programme
Le programme s’adresse aux personnes âgées de 15 ans et plus, et particulièrement aux jeunes déscolarisés ou n’ayant jamais été scolarisés dans le système formel. Ce programme d’alphabétisation et de formation professionnelle dans des langues nationales est destiné aux membres des exploitations agricoles familiales (qui s’inscrivent généralement dans des systèmes de polyculture et d’élevage), aux organisations professionnelles agricoles et autres organismes agricoles situées dans la zone d’intervention de la SODEFITEX. Le programme s’adresse aussi aux personnes situées dans des endroits ou villages éloignés, présentant un besoin réel d’accompagnement technique.
En outre, les cibles de ce programme sont proposées par les groupements de producteurs, les villages et les chefs d’exploitation. Ces propositions doivent respecter les critères d’éligibilité et le profil de candidat selon l’option de métier choisie. Par exemple, pour une meilleure appropriation des acquis de la formation par ces derniers, les critères tiennent compte entre autres de l’âge, du niveau d’instruction, de l’expérience en pratique agricole.
Mise en œuvre du programme
Depuis plus de 20 ans, la SODEFITEX propose un programme annuel de formation des ruraux. Avant la formation professionnelle proprement dite qui dure entre 120 et 150 heures selon l’option, un tronc commun de 400 heures de cours d’alphabétisation se déroule sur 10 semaines (50 jours ouvrables), à raison de 5 jours par semaine et 8 heures par jour, de janvier à mars. Cette phase permet aux apprenants d’apprendre à maîtriser la lecture et l’écriture courantes, et à prendre des notes, et d’acquérir les bases du calcul (les quatre opérations, les pourcentages, la règle de trois, la résolution de problèmes simples) et de la comptabilité simplifiée. Les thèmes développés lors des apprentissages s’inspirent non seulement des activités principales des apprenants comme, par exemple, les activités agricoles, mais aussi des connaissances pratiques qui leur sont utiles dans la vie quotidienne telles que la citoyenneté, la prévention contre les pesticides et l’hygiène. En outre, la formation touche de nombreux autres domaines thématiques d’importance comme l’alphabétisation et le développement rural, l’alphabétisation pour une indépendance économique, l’alphabétisation dans un contexte multilingue, l’alphabétisation pour l’apprentissage tout au long de la vie ainsi que l’alphabétisation pour le développement durable.
Le site d’apprentissage type est un village-centre qui abrite la classe d’alphabétisation et autour duquel gravitent les villages environnant (environ 10 à 20 villages). En 2014 une nouvelle approche a été adoptée avec un regroupement des apprenants au niveau des sites qui abritent les classes et ils y séjournent pendant toute la durée du programme d’alphabétisation. L’apprentissage se déroule en deux phases (voir le tableau 1). Dans un premier temps, les bénéficiaires suivent des cours en classe. L’équipe de coordination de la phase d’alphabétisation contrôle le bon déroulement des apprentissages. Dans un second temps, un suivi de l’accompagnement des activités identifiées de chaque organisation communautaire de base (OCB) et exploitation agricole familiale (EAF) est réalisé avec des supports écrits conçus par les formateurs et les apprenants eux-mêmes. Un test d’évaluation des acquis est organisé à l’issue de la phase d’alphabétisation à laquelle succède immédiatement la formation professionnelle technique spécifique en internat, qui dure quatre semaines et s’adresse aux néo-alphabétisés ayant réussi le premier volet du programme. Cette dernière étape est pilotée par un service dédié à la formation, appuyé par l’expertise de la SODEFITEX et de structures comme l’Institut national de pédologie, ou la Caisse nationale de crédit agricole. Le nombre moyen de participants est de 30 par classe et par facilitateur.
Le contenu de ce programme d’alphabétisation (voir tableaux 1, 2 et 3), permet aux apprenants d’acquérir d’autres compétences de base selon les corps de métier. Par exemple, à l’issue de la formation, les apprenants sont capables de mieux gérer la qualité de la production agricole grâce à ce qu’ils ont appris sur les méthodes de récolte au bon moment, de séchage adéquat et de stockage, et sur la productivité du coton et les cultures de diversification (riz, maïs, arachide). Ils sont dès lors aussi en mesure de cerner les contraintes techniques et économiques de leurs exploitations agricoles et de maîtriser les outils de planification agricole, les techniques de lutte antiérosive, la fertilisation organique, la gestion du crédit et des outils de collecte des statistiques, les mesures de toxico-vigilance, les techniques de lutte contre les ravageurs respectueuses de l’environnement (lutte sur seuil) et les techniques modernes de mesure de la superficie de leurs emblavures au moyen du géo-référencement par GPS.
D’autres acquis encore leur permettent d’évaluer la rentabilité économique et financière des activités menées et d’adopter une dynamique de production durable autour de la préservation de l’environnement et de l’adoption de mesures de toxico-vigilance. Des éléments concernant la connaissance de l’organisation et du fonctionnement de ces filières, la multiplication et la gestion des semences ou encore la collecte et l’analyse des données pluviométriques sont incorporées dans les modules durant la phase de formation technique et professionnelle.
Les compétences acquises au terme du cycle d’alphabétisation et de formation professionnelle sont certifiées par des attestations de réussite qui jouissent d’une réelle notoriété dans le tiers sud du Sénégal et donnent à leurs titulaires l’assurance de trouver du travail dans des organisations de producteurs, des exploitations agricoles, des ONG et des programmes de développement intervenant dans la zone, comme agent qualifié et sur la base d’un contrat de travail.
Approches pédagogiques et méthodes d’apprentissage
Durant la phase d’alphabétisation, la méthode d’enseignement repose sur le développement des compétences et inclut entre autres approches celle de la pédagogie de l’intégration. Durant la phase de formation professionnelle, c’est la méthode de l’approche par les compétences (APC) qui est utilisée. Celle-ci place l’apprenant au cœur du dispositif d’apprentissage. L’essentiel de la formation à la SODEFITEX est donc fondé sur l’approche du diagnostic institutionnel et organisationnel qui est l’élément primordial utilisé dans l’accompagnement à la professionnalisation des organisations de producteurs. Le diagnostic institutionnel permet aux apprenants de mettre en adéquation les interventions avec les besoins exprimés par les membres à la base, et permet d’améliorer la gouvernance démocratique au sein des organisations de producteurs. La figure 2 ci-dessous, résume les séquences pédagogiques ainsi que le déroulement des leçons basé sur cette approche.
Comme l’illustre la figure 2, les séances de formation avec les apprenants débutent tous les jours par un brainstorming sur un sujet de leur choix en relation avec leur milieu et leurs préoccupations du moment. Cette séquence permet de faire l’analyse de la situation et d’identifier les problèmes à résoudre. Une deuxième séquence de mise à niveau des connaissances des uns et des autres sur les problèmes identifiés permet de combler les lacunes sur le sujet choisi. Les apprenants disent ce qu’ils savent du sujet et d’où ils tirent leurs informations. Une troisième séquence permet aux apprenants de chercher les voies et moyens pour résoudre des problèmes d’une manière endogène, par eux-mêmes, et exogène, en ayant recours à une aide extérieure. Une quatrième séquence pratique est consacrée à la réalisation de productions écrites et de calculs. Elle s’appuie sur les connaissances acquises durant les sessions précédentes telles que : la prise de notes ; la résolution de problèmes mathématiques ; la schématisation ; l’utilisation de supports réels comme ceux rencontrés sur le marché du coton, etc. Une cinquième séquence permet de faire l’auto-évaluation ou l’évaluation des compétences réellement acquises à la suite de chaque session de formation.
Contenus du programme et matériels d’apprentissage
Pour l’alphabétisation, le curriculum adopté est celui de l’éducation de base du ministère de l’Éducation nationale. Il s’étend à l’alphabétisation dans des langues nationales mise en œuvre depuis l’instauration du Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB). Le contenu du programme d’alphabétisation en langue pulaar est présenté dans le tableau 1, ci-dessous.
En ce qui concerne la formation professionnelle technique, la Direction de la formation professionnelle accompagne la SODEFITEX sur la réécriture des curricula selon la méthodologie d’approche par les compétences. Cela s'inscrit dans le cadre de la nouvelle réforme sur les orientations stratégiques du sous-secteur de la formation professionnelle et technique. Les tableaux 2 et 3 présentent les contenus des programmes de formation professionnelle technique pour les métiers de relais technique en production végétale (RTPV) et de chef de culture.
Le matériel de formation en alphabétisation est développé par l’équipe alphabétisation et communication rurale de BAMTAARE Services, la filiale de la SODEFITEX en charge de l’alphabétisation, composée d’une coordonnatrice, de superviseurs et de facilitateurs en alphabétisation qui tirent profit des 38 années d’expérience du groupe SODEFITEX en la matière, une période durant laquelle de nombreux supports ont été élaborés. L’équipe développe les documents suivants, destinés à la formation : les manuels d’alphabétisation (lecture, calcul), les guides des moniteurs et superviseurs, les référentiels de formation et les modules de formation. D’autres documents de formation ainsi que les outils et supports de travail pour la collecte de données, la gestion d’une classe , pictogrammes, fiches techniques, etc. sont également produits. Les supports et outils de formation sont adaptés au contexte et aux besoins des groupes cibles, et rédigés dans des langues nationales (pulaar, mandingue , wolof), comme le montre l’échantillon de quelques-uns de ces matériels de formation dans la figure 3 ci-dessous.
L’innovation majeure de ce programme s’illustre par le fait que la SODEFITEX a travaillé activement avec la Direction de l’alphabétisation et des langues nationales (DALN) à la certification de ses formations professionnelles dans des langues nationales, basées sur l’alphabétisation fonctionnelle. Un protocole d’accord de partenariat a été signé en 2013 pour permettre la mise en œuvre des mesures opérationnelles et des étapes capitales suivantes :
- La certification des formations professionnelles dans des langues nationales par les services du ministère de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat qui facilite l’éligibilité des apprenants aux financements publics est en train d’être finalisée ;
- Les curriculums de formation sont réécrits pour les mettre en adéquation avec l’approche par les compétences (APC), conformément à la politique du sous-secteur de la formation professionnelle et technique, dans le cadre des orientations stratégiques visant sa réforme et sa modernisation ;
- Tous les outils de formation sont adaptés aux situations et besoins des groupes cibles. Cette approche s’appuie sur des langues nationales dans le but de créer un environnement alphabétisé ;
- L’assurance pour les personnes ayant été formées d’être en mesure de tenir leurs fonctions au sein des organisations de producteurs et exploitations agricoles grâce à leurs qualifications professionnelles ;
- Une démarche de formation nouvelle : un tronc commun d’alphabétisation fonctionnelle immédiatement suivi par une formation professionnelle et technique spécifique, dispensée en internat au lieu de deux sessions distinctes d’alphabétisation et de formation professionnelle, qui étaient beaucoup plus coûteuses.
Recrutement et formation des facilitateurs
Le recrutement des facilitateurs se fait dans le vivier du programme qui compte à ce jour près de 350 facilitateurs et superviseurs de classes d’alphabétisation. Chaque année le programme puise dans ce vivier en fonction du nombre de classes ouvertes. Dans la plupart des cas, les futurs facilitateurs sont des alphabétisés diplômés du programme ou d’autres néo-alphabétisés dont le niveau de réussite est attesté par un diplôme en alphabétisation dans l’une des langues nationales. Ils sont sélectionnés sur dossier et retenus à l’issue de tests sélectifs. Par la suite, ils suivent une formation de trois semaines dirigées par une équipe pédagogique composée de facilitateurs expérimentés et de responsables de programmes d’alphabétisation qui possèdent des compétences avérées dans les domaines suivants : l’andragogie, les techniques d’animation, la connaissance des thèmes liés à la vie quotidienne des apprenants , la linguistique, les règles de grammaire des langues locales, la phonétique, les documents de gestion de la classe, etc. Ils deviennent ensuite des prestataires indépendants, rémunérés à temps partiel, pour une classe de 25 à 30 participants.
Chaque année, un stage de recyclage d’une semaine est organisé en vue de renforcer les capacités acquises par les différents facilitateurs et superviseurs tout en les initiant aux innovations andragogiques pour qu’ils deviennent plus opérationnels sur le terrain. Cette formation permet également de consolider leur connaissance des nouvelles méthodes et des nouvelles approches, notamment en ce qui concerne les compétences et la pédagogie de l’intégration dans le cas de l’alphabétisation, l’intégration des apprentissages, l’évaluation et la remédiation pédagogiques, la maîtrise des fiches andragogiques et certains aspects de la grammaire des langues d’enseignement. Une attestation de formation continue est délivrée au facilitateur ou à la facilitatrice à l’issue de sa formation et à chaque fin de recyclage ; leurs prestations sont rémunérées durant la campagne d’alphabétisation. Ensuite et surtout, le nombre de facilitateurs employés est égal au nombre de classes d’alphabétisation qui varie chaque année en fonction du budget alloué. Enfin, au sein d’une zone qui peut regrouper plusieurs classes, les facilitateurs sont eux-mêmes sous le contrôle d’un superviseur.p>
moment for participants to promise to change their outlook or attitude towards the themes discussed.
Inscription des apprenants
Aucuns frais d’inscription ne sont requis. Les producteurs désignent eux-mêmes les participants les plus aptes à suivre la formation afin de garantir ultérieurement une bonne démultiplication de l’action et sa pérennisation. Les apprenants sont choisis en fonction de certains critères qui sont principalement : l’âge, la bonne réputation morale dans la localité, l’accord du groupement de producteurs, du village ou du chef d’exploitation, le statut de producteur agricole, la superficie des exploitations agricoles à couvrir selon les corps de métiers choisis au départ. Par ailleurs, les candidats déjà instruits (tous niveaux et toutes langues) sont privilégiés.
Évaluation du niveau d’apprentissage des apprenants
À la fin de la phase d’alphabétisation, les apprenants sont évalués et reçoivent une note sur 40 pour la lecture et l’écriture, et une note sur 20 pour, respectivement, le calcul et la gestion. Une moyenne générale de 12/20 est nécessaire pour réussir. Il existe une évaluation à mi-parcours qui ne compte pas dans les résultats finaux et qui sert d’évaluation formative pour identifier et soutenir les étudiants en difficulté. Les apprenants ayant terminé avec succès la phase d’alphabétisation et la formation technique se voient attribuer un certificat de réussite
Suivi et évaluation du programme
Chaque fois que se fait sentir un besoin de mettre en adéquation la formation et les orientations de l’entreprise, qui varient en fonction de l’adoption de nouvelles stratégies de production ou de programmes d’innovation, les formateurs et le responsable du programme effectuent des analyses opérationnelles de la pertinence du programme de formation et de l’efficacité technique des producteurs formés dans le but de professionnaliser et d’améliorer le programme.
Le plus souvent, ces analyses débouchent sur la proposition de nouvelles orientations et solutions d’amélioration de l’offre de formation. C’est dans cette optique que s’inscrivent les caractéristiques innovantes citées dans la section sur les contenus du programme et les matériels d’apprentissage
Une autre évaluation des pratiques est menée au bout d’un certain temps afin d’appréhender l’efficacité technique et la pertinence sociale de la formation professionnelle à la base menée par la SODEFITEX. Elle s’appuie sur l’expérience et la pratique des personnes formées en situation professionnelle et vise à proposer des solutions pour améliorer le programme
Une autre évaluation des pratiques est menée au bout d’un certain temps afin d’appréhender l’efficacité technique et la pertinence sociale de la formation professionnelle à la base menée par la SODEFITEX. Elle s’appuie sur l’expérience et la pratique des personnes formées en situation professionnelle et vise à proposer des solutions pour améliorer le programme.
Résultats et impact du programme
D’une manière générale, le programme continue de mettre à la disposition des communautés des ressources humaines de qualité. Il a aussi permis, grâce à l’alphabétisation et à la formation professionnelle dans des langues nationales, de créer de nouveaux métiers ruraux. À titre d’exemple, de 1982 à nos jours, plus de 63 735 ruraux, dont 15 032 femmes, ont été alphabétisés par la SODEFITEX. Parmi ces néo-alphabètes, on compte 420 facilitateurs et superviseurs d’alphabétisation, 1 647 relais techniques en production végétale (RTPV), 600 relais techniques en production animale (RTPA), 72 chefs de culture, 58 chefs d’exploitation et 18 conseillers agricoles paysans (CAP) choisis parmi les meilleurs relais techniques.
En ce qui concerne les compétences en alphabétisation, l’impact du programme est évident et le niveau est maintenu au fil du temps comme le démontrent les statistiques relatives à la formation. Par exemple, en 2016, le niveau moyen de compétences des apprenants en lecture était de 35,87/40 et de 32,81/40 en écriture. Deux ans plus tard, soit en 2018, le niveau moyen en lecture était de 33,42/40 et de 35,71/40 en écriture. En 2019 enfin, le niveau moyen en lecture était de 35,84/40 et de 36/40 en écriture.
Ce programme a permis aux apprenants d’avoir davantage confiance en leurs capacités, en leurs possibilités et en leurs talents, d’acquérir des compétences en communication, en analyse et dans la résolution collective de problèmes, et de s’autoévaluer en toutes circonstances. Il a aussi permis aux agriculteurs en contrat avec la SODEFITEX d’améliorer leurs performances techniques et d’accroître leurs revenus. Il a aidé les familles à assurer l’essor économique du secteur agricole grâce à la diffusion des innovations et des compétences techniques de gestion des exploitations agricoles familiales (EAF). De plus, suite à l’effet d’employabilité en milieu rural qui découle de l’action entreprise, ce programme entraîne une amélioration significative des conditions de vie des producteurs cibles, ce qui se répercute sur la culture des céréales et sur l’élevage au sein des exploitations agricoles familiales.
Témoignages des apprenants
Témoignage 1 (Ousmane KANDE, facilitateur et superviseur en alphabétisation en pulaar)
« Je m’appelle Ousmane Kambassé Kandé. Je suis facilitateur en alphabétisation et j’habite à un kilomètre du centre agricole de Pakour. J’ai suivi des cours d’alphabétisation durant la campagne de 1982-1983. De 1991 à 1995, j’ai été facilitateur en alphabétisation en langue nationale pulaar. Depuis 1996, je suis superviseur du programme d’alphabétisation de la SODEFITEX dans la zone de Pakour où je forme les relais et les gestionnaires du programme de formation de la SODEFITEX. L’importance de l’alphabétisation est énorme, car les apprenants sont prêts à exploiter immédiatement leurs acquis, d’autant que ce sont des adultes qui ne sont pas allés à l’école ou qui très tôt raté leur scolarité »
Témoignage 2 (Ibrahima DIAO, auditeur en classe d’alphabétisation pulaar, 2019 Ibrahima DIAO, auditeur en classe d’alphabétisation pulaar, 2019 )
« Le fait d’être alphabétisé est très important pour nous, car, en plus de pouvoir lire des documents en pulaar, l’alphabétisation nous permet d’acquérir les compétences nécessaires pour faire du calcul. Donc, l’objectif de l’alphabétisation n’est pas seulement de devenir un relais. Auparavant, quand j’avais un livre, je me contentais de regarder les photos, mais aujourd’hui je peux lire et comprendre, et c’est grâce au cours d’alphabétisation de la SODEFITEX. Maintenant, je suis capable de mesurer les doses exactes des produits que je dois utiliser sur les parcelles cultivées. Quand je dispose d’un sac de riz, je comprends ce qu’est un kilo de riz, ce qui me permet de calculer la quantité qu’il me faut, combien il m’en reste, etc. »
Prix et reconnaissances
- Lauréat du Prix d’alphabétisation UNESCO-Roi Sejong (2019).
- Validation des nouveaux curriculums de formation du programme par la Direction de la formation professionnelle et technique du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle, et de l’Artisanat (2019).
- Gagnant de l’appui du Pôle de Dakar, l’antenne africaine de l’Institut International de planification de l’éducation (IIPE-Pôle de Dakar) de l’UNESCO, dans le cadre du fonds d’appui à l’innovation en matière de formation professionnelle (2017).
- Reconnaissance du programme par la commission de la Jeunesse, de l’Éducation, de la Formation, de l’Emploi et du Travail du Conseil économique, social et environnemental de la République du Sénégal (2017).
Défis
Certains facteurs négatifs entravent toutefois les efforts et réduisent fortement le rendement et la portée du programme. Citons par exemple l’absence d’un financement stable et confortable du programme, qui ne bénéficie d’aucun soutien financier de l’État, et l’absence d’aide depuis 2009 de partenaires techniques et financiers.
En outre, la validation des curriculums du programme de formation professionnelle dans les langues nationales par les services du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage se fait attendre alors qu’elle pourrait permettre de faire certifier ce modèle innovant de formation technique et professionnelle et d’assurer son éligibilité aux financements publics.
Durabilité
Créé grâce à des projets publics (FED, FAC, PDRSO, etc.), ce programme de formation existe depuis 37 ans. Son financement, privé de sources externes depuis 2009, dépend essentiellement de la production annuelle et des ressources de l’entreprise. Son succès est entièrement attribuable :
- À l’engagement d’une entreprise privée dans un secteur difficile, soumis à d’importants aléas mais qui, malgré les difficultés, dégage chaque année les ressources nécessaires à la poursuite du programme avec des fonds propres ;
- Aux producteurs qui désignent eux-mêmes les apprenants les plus motivés et aptes à suivre la formation afin de garantir sa pérennisation. Rien n’est imposé à la population.
Les populations bénéficiaires sont impliquées dans l’ensemble du volet pratique, ce qui se traduit d’abord pour le village qui abrite la classe par une participation en nature avec la construction des abris et des logements des apprenants venus d’ailleurs.
Le programme est mis en œuvre dans la zone d’intervention de la SODEFITEX qui ne couvre que le tiers sud du Sénégal. La généralisation de ce modèle dans un futur très proche constituerait un immense progrès pour l’économie et la productivité des métiers artisanaux du secteur informel en milieux rural et urbain. Elle permettrait au gouvernement de passer d’une vision fragmentée de la constitution du capital humain à une vision holistique de l’éducation et de la formation.
Sources
Mingat, A; Ndem, F et Seurat, A. 2013. La mesure de l’analphabétisme en question. Le cas de l’Afrique subsaharienne. Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs. Disponible [en ligne] sur : http://journals.openedition.org/cres/2288 [consulté le 3 octobre 2019]p>
PAQUET – EF. 2018. Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence 2018 – 2030. Disponible [en ligne] sur : https://www.sec.gouv.sn [consulté le 22 Septembre 2019].p>
Contact
Abdoulaye MBAYE
Responsable du service formation et innovations
Km 4,5 Bd du Centenaire de la Commune de Dakar
BP 3216 Dakar, Sénégal ; Tél. : +(221) 76 529 97 43
Website: http://www.sodefitex.sn/