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Programme d’appui parental pour l'alphabétisation dans les communautés immigrées (IPALS)

  • Date published:
    21 mai 2021

Photo 1. Parents et enfants participant à des activités pratiques ludiques du programme IPALS.

Titre du programme: Programme d’appui parental pour l'alphabétisation dans les communautés immigrées (IPALS)
Organisation chargée de la mise en œuvre: Decoda Literacy Solutions
Langue d'enseignement: Langue officielle (anglais) et langue maternelle des participants, notamment le cantonnais, le mandarin, l’arabe, le punjabi, le farsi, le somali, le karen, le vietnamien, le coréen et l’espagnol. D’autres langues sont prévues.
Partenaires: Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), 11 districts scolaires et organisations communautaires locales.
Financement: Le programme est financé par les secteurs public et privé. Le financement public est fourni par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ; le financement privé vient de Royal Canada Bank (RBC), Victoria Foundation, Bosa Family Foundation et Click Foundation, mais aussi des districts scolaires et organisations communautaires locaux qui contribuent en nature. Diverses activités de collecte permettent aussi de lever des fonds pour soutenir le programme IPALS.
Coût annuel du programme: 350.000 CAD
Coût annuel par apprenant: 250 CAD
Date de création: Octobre 2010

Historique et contexte

Le Canada a mis en place un plan d’accueil des immigrés en réponse à la baisse de son taux de natalité et de sa population (Gouvernement du Canada 2019). En 2019, l’immigration représentait 80% de sa croissance démographique (Mendicino 2020). Le pays attache du prix à l’immigration en raison de ce qu’elle apporte aux sphères économiques et sociales, comme la main-d’œuvre pour le marché du travail et la promotion du multiculturalisme et de l’engagement civique.

Chaque année, le Canada reçoit de nouvelles demandes de résidence permanente dans trois catégories : migrants économiques, migrants familiaux (des programmes de regroupement familial) et migrants protégés, également appelés Réfugiés, migrants pour des motifs d’ordre humanitaire (H&C). En 2015, 2016 et 2017, le gouvernement a respectivement accepté 271.833, 296.379 et 286.479 nouvelles demandes de résidence permanente au titre de ces trois groupes. La catégorie des migrants protégés inclut les personnes ayant quitté leur pays par crainte de persécution, par exemple à cause d’un conflit armé comme c’est le cas au Moyen-Orient et en Syrie (Gouvernement du Canada 2019).

Le Gouvernement du Canada (2017) rapporte que les immigrés récents et établis ont obtenu autour de 20 points au test du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), nettement en deçà des Canadiens de souche. Perkins (2010, cité dans Anderson, Friedrich et Kim 2011) note un faible niveau de participation aux activités scolaires chez les parents immigrés de la communauté vietnamienne. Conscients du rôle important des parents pour accompagner le développement de l’alphabétisme des enfants, les programmes d’alphabétisation familiale ont décidé de cibler les communautés immigrées (Anderson et al. 2011).

Organisation chargée de la mise en œuvre

Decoda Literacy Solutions est la seule organisation d’alphabétisation intervenant à l’échelle de la province de Colombie britannique (CB). Dirigée par un Conseil d’administration composé de cinq membres représentant les secteurs de l’éducation, des organisations à but non lucratif et du monde des affaires, elle se donne pour mission de relever les niveaux d’alphabétisme et d’apprentissage des enfants et des familles, des jeunes, des adultes et des séniors afin d’améliorer leur qualité de vie familiale, professionnelle et communautaire. Decoda apporte ressources, formation et fonds pour soutenir les programmes d’alphabétisation communautaire et les initiatives d’apprentissage dans plus de 400 communautés en CB.

Decoda est le fruit de l’union de deux entités d’alphabétisation : Literacy BC et la division de l’alphabétisation de 2010 Legacies Now. Pendant 20 ans Literacy BC a formé, outillé et soutenu les acteurs de l’alphabétisation des adultes. En partenariat avec les gouvernements fédéral et provincial, elle a mené des activités de sensibilisation, élaboré des politiques, encouragé l’innovation dans la pratique, construit une vaste bibliothèque et soutenu les apprenants adultes. Pour sa part, la division de l’alphabétisation de 2010 Legacies Now a collaboré pendant 10 ans avec la Province de Colombie britannique pour soutenir le développement de l’alphabétisme dans plus de 400 communautés et quartiers de la province. Decoda continue de travailler avec les organisations.

Decoda Literacy a également mis en œuvre plusieurs programmes à portée nationale. C’est le cas de Strengthening Rural Canada, une initiative visant à soutenir les communautés rurales à l’échelle du pays en trouvant des solutions adaptées à leurs besoins en s’appuyant sur leurs points forts et en capitalisant les opportunités locales. De même, dans le cadre du projet Travailleurs déplacés (Displaced Worker), Decoda collabore avec des associations sur toute l’étendue du territoire pour soutenir, alphabétiser et doter de compétences essentielles les travailleurs déplacés dans le but de combler leurs lacunes et d’améliorer leur employabilité.

Decoda publie The West Coast Reader, un journal pour apprenants de la langue anglaise qui offre un soutien linguistique informel et un accès à l’information sur la culture canadienne et à l’actualité. Plus de 17.000 exemplaires sont distribués chaque mois, en CB pour l’essentiel, mais aussi dans les autres provinces. Decoda a lancé un nouveau site Web présentant une version numérique du journal dans le but d’étendre sa diffusion nationale.

Présentation du programme

Le Programme d’appui parental pour l'alphabétisation dans les communautés immigrées (IPALS) est un programme d’alphabétisation familiale sensible à la culture. Les immigrés et les réfugiés fraîchement arrivés avec de jeunes enfants, qui en sont la cible principale, vivent souvent dans l’isolement et connaissent à peine la langue anglaise et la culture canadienne. En effet, il ressort des notes d’observation des animateurs et des discussions de groupe qu’il s’agit de parents peu scolarisés dans leur pays d’origine. Compte tenu de ces facteurs, il leur est difficile d'accéder à l'éducation et à l’emploi. Ces familles initient rarement leurs enfants à la lecture avant leur scolarisation puisque, pour elles, l’apprentissage ne commence qu’à l’école.

Dans le cadre du programme IPALS, les participants discutent de questions importantes pour leur vie, tissent un réseau de relations sociales et se préparent pour le système scolaire canadien. Curriculum à caractère ludique, sensibilité culturelle et enseignement multilingue sont les traits distinctifs du programme. Les sessions intègrent des outils et des techniques permettant de prendre en charge les problèmes de santé mentale des familles et des jeunes enfants qui ont pu subir un traumatisme.

Le programme tient compte des besoins d’apprentissage des communautés afin de faciliter l’inclusion sociale. Il offre aux parents immigrés et réfugiés une chance de renforcer leur niveau de langue et d’alphabétisme et d’initier leurs jeunes enfants à des activités d’alphabétisation précoce et de les aider, de ce fait, à se forger une résilience et à intégrer la société canadienne. Le programme IPALS est conçu de façon à s’adapter à chaque groupe culturel cible participant. Par exemple, pour l’étude sur les familles vietnamiennes, il a été doublement modifié pour répondre aux besoins d’apprentissage spécifiques de cette communauté: d’abord, en y ajoutant l’anglais comme seconde langue et, ensuite, en formant les participants aux compétences numériques (Perkins 2010, cité dans Anderson, Friedrich et Kim 2011). Decoda a également travaillé avec d’autres cultures telles que des familles somaliennes venues des camps de réfugiés kenyans.

Objectifs

Le programme IPALS se fixe les objectifs suivants :

  • développer l’alphabétisme de base des jeunes enfants et les préparer pour la scolarisation.
  • relever le niveau d’alphabétisme des parents.
  • collaborer avec les familles d’immigrés et de réfugiés pour les aider à renforcer leur estime personnelle, développer leur résilience, identifier les
  • références culturelles et mieux connaître la société canadienne dont elles font désormais partie.
  • aider les parents à mieux comprendre le système éducatif canadien et les normes de participation scolaire et à appliquer les méthodes d’apprentissage adaptées à la petite enfance.
  • habiliter les enseignants et les animateurs à mieux servir les enfants et les familles d’immigrés et de réfugiés.

Population cible

Le programme IPALS cible les familles immigrées et réfugiées nouvellement arrivées. Il faut appartenir à cette catégorie pour y participer. Il vise les adultes et les familles ayant des enfants d’âge préscolaire, en particulier les membres des minorités linguistiques, culturelles et ethniques.

Photo 2. Parents et enfants s’amusent avec un parachute, apprenant par le biais du travail d’équipe et de la collaboration.

Mise en œuvre du programme

Le programme IPALS est en cours dans 21 localités de la Colombie britannique : deux sites à Abbotsford, deux à Burnaby, un à Langley, un à North Vancouver, six à Surrey, un à Richmond, trois à Vancouver, deux à West Vancouver, un à Kelowna, un à Nanaimo et un à New Westminster. En outre, il est prévu de le mettre en œuvre dans les provinces d’Alberta et du Saskatchewan.

Le programme IPALS enseigne la lecture, l’écriture et le calcul pour jeune enfant, mais aussi la technologie, l’éducation physique et le conte. Tous les cours sont organisés de façon participative. En classe, les apprenants s’exercent en anglais dans un cadre informel accueillant. Le programme aide les parents à découvrir les services éducatifs et sociaux de leur nouvelle communauté en les orientant vers les agences et programmes communautaires locaux pertinents, notamment les écoles. Les animateurs se concertent avec les familles pour identifier le meilleur créneau horaire pour l’emploi du temps et convenir du nombre de sessions nécessaires et du meilleur moyen de prendre en charge la diversité linguistique et culturelle du groupe. De même, ils créent sciemment des possibilités d’apprentissage mutuel, en s’appuyant sur les points forts et l’appartenance culturelle des familles.

En moyenne, les participants passent 24 à 30 heures de contact direct avec les animateurs d’IPALS réparties en dix à douze sessions. Chaque session dure 1,5 à 3,5 heures suivant la situation et le niveau d’alphabétisme des participants. Certaines familles, issues de situations sociales diverses, peuvent avoir besoin d’assistance pour apprendre à lire et écrire et comprendre le concept d’apprentissage ludique. Néanmoins, les animateurs jouissant d’une expérience en prise en charge des traumatismes sont en mesure de soutenir ces nouveaux réfugiés vulnérables. Grâce à leur formation et leur expérience, ils savent répondre aux besoins d’un groupe multigrade en menant des activités différenciées et en s’adaptant en fonction du niveau et du passé des participants.

Certains sites ont achevé le programme en deux mois alors qu’il en a fallu cinq à d’autres. Parents et enfants ont étendu l’apprentissage au cadre familial et passent ainsi plus de temps ensemble après chaque session à faire des activités pédagogiques qu'ils ont conçues en classe avec l’aide des animateurs (pour une description des ressources destinées à ces activités, voir la section Contenu et supports d’enseignement).

Suivant la disponibilité et la taille du site, un groupe peut compter 12 à 25 familles. Chaque groupe inclut des enfants du préscolaire et leurs parents ou tuteurs ainsi qu’un animateur et un travailleur multiculturel de l’IPALS qui, en général, parlent la langue et comprennent la culture des participants. En outre, un éducateur de la petite enfance se charge des activités pour enfants lors des sessions distinctes pour adultes ou enfants et aide à animer les sessions réunissant à la fois adultes et enfants.

Un principe fondamental du programme IPALS est que le personnel doit savoir « lire » la situation et le contexte des familles et communautés participantes de façon à aligner le programme sur leurs besoins d’apprentissage. Sa force réside dans le fait qu’il adopte une posture théorique et pragmatique forte tout en respectant les contextes locaux et en s’y adaptant.

Financement

Le financement provient à la fois des secteurs public et privé. L’organisation reçoit des fonds d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), de Royal Canada Bank (RBC), Victoria Foundation, de Click Foundation et de Bosa Family Foundation. Par ailleurs, de nombreux autres partenaires, tels que les districts scolaires et organisations communautaires locaux, font des contributions en espèces et en nature.

Decoda organise aussi des activités de collecte de fonds au profit du programme. Elle a opté pour une approche diversifiée en la matière : appels à dons en ligne, donations mensuelles, publipostage, réseaux sociaux et demandes de subvention. Elle organise deux campagnes de collecte de fonds et de sensibilisation par an : la Semaine de l’alphabétisation familiale, en janvier, et le Mois de l’alphabétisation, en septembre.

Enseignement et apprentissage : approches et méthodes

Photo 3. Enfants triant des objets par groupes. Parents et enfants apprennent mieux ensemble.

Le programme IPALS applique une méthode d’enseignement collaborative et sensible à la culture et une approche participative centrée sur l’apprenant, inspirée de la théorie socioculturelle de Vygotsky. Le processus d'enseignement-apprentissage repose sur des discussions et des démonstrations, suivies de séances de débriefing et de questions-réponses.

Chaque session comporte une partie réservée aux adultes, une partie commune aux adultes et aux enfants, un débriefing par les adultes et une composante de création de contenus à emporter à la maison. Les animateurs utilisent des supports audiovisuels pour les vidéos, le conte, les activités de sensibilisation communautaire et d’autres stratégies pendant les sessions.

La sensibilité culturelle implique une promotion de l’apprentissage des parents en reconnaissant leur contribution préalable à l’apprentissage de leurs enfants. Autrement dit, elle revient à affirmer la valeur des expériences des familles en matière d’alphabétisation et à les aider à élaborer et utiliser d’autres stratégies qui aient un sens et de la valeur dans le cadre de leur vie quotidienne (Auerbach, 1989). Ce faisant, les animateurs appliquent une approche sensible à la culture, qui tient compte des besoins d’apprentissage spécifiques de la communauté afin d’y adapter le programme. Des bénévoles issus de la même communauté culturelle et linguistique que les familles cibles servent de « médiateurs culturels » chargés de les sensibiliser. Ils aident également le personnel du programme à connaître les nuances, pratiques et préférences culturelles de leur communauté et à identifier, de ce fait, les ajustements requis tels que les traductions et les supports adéquats, et à instaurer un sentiment de confiance au sein des familles et des communautés.

La philosophie ludique du programme IPALS constitue un changement de paradigme important pour certaines cultures. La plupart des nouvelles familles immigrées viennent de pays où le « jeu » n’est pas reconnu comme mode d’apprentissage. Par exemple, l’on peut aborder avec les enfants des thèmes relatifs à des situations de la vie courante, telles que le temps, les activités/programmes quotidiens ou le jeu à base d’articles recyclés (boutons, bouchons, boîtes de céréales, journaux, etc.). On peut aussi écouter des histoires racontées par les enfants, lire ensemble des livres d’images, parler des signes (formes, couleurs, lettres, sens), encourager le jeu qui renforce la motricité fine (pâte à modeler, nettoie-pipe, dessiner des ciseaux, bâtonnets Wikki) et leur donner l’occasion de dessiner et écrire.

Le programme IPALS applique une approche pédagogique à la fois formelle et informelle. Entre autres perspectives théoriques, il applique le concept de Zone proximale de développement (Vygotsky 1978) qui fait partie des éléments essentiels de l’alphabétisation familiale, par lequel les parents encouragent leurs enfants en communiquant une tâche oralement (Anderson et al. 2011). Par exemple, en partageant un livre d’images sans mots avec les enfants, le parent présente un modèle de récit en « lisant » les images et invite son enfant à co-construire une histoire. Ce concept s’applique aussi aux interactions entre animateurs et parents, lorsque les premiers dotent les seconds d’outils et de stratégies en leur donnant des modèles d’activités.

Outre le concept ZPD, l’approche pédagogique du programme IPALS repose également sur la compréhension écologique du développement humain (Bronfenbrenner 1979). Cette théorie conçoit l’apprentissage comme résultant de l’interaction de différents systèmes. Ainsi, parents, enseignants et enfants apprennent les uns des autres de façon respectueuse et solidaire dans un espace intersubjectif. Les animateurs comprennent la culture du groupe cible et adaptent l’environnement aux besoins culturels des familles participantes et, de ce fait, promeuvent la sensibilité à la diversité culturelle et établissent des relations positives durables entre les familles et les écoles.

Photo 4. Modèle écologique d’alphabétisation familiale (compilé par l’auteur à partir d’informations tirées de Decoda Literacy Solutions).

Les sessions débutent par la création de liens entre les familles à travers des activités simples. Ensuite, les participants sont répartis en petits groupes dans lesquels parents et membres de la famille élargie discutent d’un thème d’alphabétisation avec les animateurs. Pendant ce temps, les enfants font, avec un éducateur de la petite enfance, des activités linguistiques et d’alphabétisation adaptées à leur niveau. Ces sessions de groupe sont suivies d'une session conjointe lors de laquelle parents et enfants participent à des activités pratiques d’alphabétisation ludique. À la fin de cette session, les parents analysent ce qu’ils ont appris sur le thème et occasion leur est donnée de poser des questions. Ils reçoivent également des activités de renforcement à faire à la maison en vue d’améliorer leur niveau personnel de langue et d’alphabétisation, mais aussi celui de leurs enfants.

Contenu (curriculum) et support d'enseignement

Photo 5. Une animatrice présente un texte environnemental au groupe avant une randonnée de lecture dans la communauté (voir la vidéo correspondante sur : https://youtu.be/uQBnvf1PDDI)

Le contenu du curriculum repose sur la recherche et les leçons apprises du projet pilote. Le premier principe du programme IPALS consiste à s’appuyer sur les connaissances déjà acquises en famille et en communauté avant d’exposer les jeunes enfants à l’instruction formelle (Taylor et Dorsey-Gaines 1988 ; Teale et Sulzby 1986 ; Taylor 1983). Le deuxième principe considère que l’apprentissage comporte une double composante (sociale et individuelle), et que l’enseignement diffère selon les groupes sociaux (Rogoff 2003 ; Vygotsky 1978 ; Wertsch 1998). Le troisième postule que les programmes d’alphabétisation familiale doivent respecter les contextes culturels et sociaux des familles (Auerbach 1989 ; Barton, Hamilton et Ivanic 2000). Le quatrième affirme l’existence de bienfaits culturels, éducatifs, linguistiques, psychologiques et sociaux avérés à préserver la langue première ou véhiculaire des enfants et des familles pendant qu’ils en apprennent une ou plusieurs autres (Bialystok 2001 ; Cummins 2001 ; Fillmore 1991 ; Snow, Burns et Griffin 1998). Le dernier principe est que les enfants apprennent de façon efficace et significative par le jeu (Bissex 1980 ; Roskos, Christie, Widman et Holding 2010).

Les résultats de la phase pilote du programme ont montré que, contrairement aux hypothèses initiales des animateurs, certaines thématiques n’intéressaient pas toutes les communautés, notamment les sessions d’alphabétisation numérique (Anderson, Smythe et Shapiro 2005, cité dans Anderson et al. 2011). Ces résultats ont servi de base pour la conception de PALS Family Literacy Resource (Anderson et Morrison 2010) et Facilitators Guidebook (2010 Legacies Now), qui s’appuient sur les besoins des familles participantes et les expériences des animateurs qui les encadrent.

L’équipe de chercheurs a longuement travaillé avec les familles et animé des groupes de discussion thématique réunissant parents, animateurs, éducateurs de la petite enfance et administrateurs.

Photo 6. Ressources pour les animateurs.

Partant de ces discussions, elle a élaboré des modules reflétant les thèmes que les familles jugeaient essentiels pour l’apprentissage. Pour préparer chaque session, l’équipe s’est également inspirée de son expérience acquise dans le cadre de son travail antérieur d’encadrement des familles, mais aussi de la littéraire afférente aux programmes d'alphabétisation familiale. Elle a dû adapter le contenu puisque le programme pilote s’est étendu au-delà des communautés pour lesquelles il avait été initialement conçu.

En vue d’élargir le champ thématique et mieux répondre aux besoins des familles immigrées participantes, des spécialistes de divers secteurs ont été conviés pour traiter de sujets tels que la santé et le bien-être, l’hygiène dentale, l’alphabétisation financière, les questions socio-affectives, la maturité scolaire et d’autres questions liées à l’installation. Les apprenants participent également à des sorties dans les bibliothèques et parcs locaux.

Il est prévu une « session ouverte » qui donne aux communautés la latitude de concevoir des sessions se rapportant à des thèmes localement pertinents. De même, il existe une thématique relative aux TIC (« Tiny Techies »), qui repose sur le principe de l’utilité de l’outil technologique pour accompagner l’alphabétisation. Cette session enseigne également aux parents des stratégies pour contrôler le temps d’exposition de leurs jeunes enfants aux écrans, un des nouveaux soucis de la parentalité contemporaine. Le tableau ci-dessous récapitule les principaux thèmes couverts.

Alphabétisation Calcul TIC Session ouverte
  • Alphabet et apprentissage
  • L’écrit dans notre communauté
  • Lire un livre de contes
  • Lier alphabétisation et jeu
  • Apprendre à lire
  • Initiation à l’écriture
  • Alphabétisation/éducation physique
  • Devinettes, chansons rap et comptines
Initiation au calcul Tiny Techies (Technologie) Thème choisi par la communauté IPALS

Les extraits ci-dessus présentent quelques exemples de sessions d’initiation au calcul (Anderson et Morrison 2010, p. 154) pendant lesquelles la classe est répartie en « centres ». Decoda Solutions envisage de réviser certaines activités afin de mieux les adapter à l’âge et à la culture des apprenants. Pendant leur formation, les animateurs sont informés de l’importance de l’enseignement sensible et réceptif à la culture de l’apprenant.

Les sessions IPALS utilisent des supports bilingues et culturellement adaptés. Les animateurs se servent du guide IPALS Family Literacy Resource et ont accès à d’autres ressources d’alphabétisation familiale. Ils aident également les parents à identifier des ressources disponibles localement et à créer leurs propres supports d'apprentissage, ce qui les habilite à préparer des activités à faire à la maison avec leurs enfants. Ces supports incluent livres de contes, images, chants, supports à « créer et emporter » appropriés, papier graphique et vidéos.

Decoda propose des activités d’alphabétisation familiale en ligne (rubrique Ressources de son site Web) comme le montrent la Figure 7 et la Figure 8. Elles sont conçues pour des enfants de divers groupes d’âge et incluent des conseils aux parents et une brève description des objectifs d’apprentissage de chaque activité.

Photo 7. Exemple de fiche d’activité d’apprentissage précoce pour enfants du préscolaire (Decoda Literacy Solutions 2019a).

Photo 8. Exemple de conseils et d’objectifs d’apprentissage destinés aux parents d’enfants du préscolaire (Decoda Literacy Solutions 2019a).

Le programme IPALS emploie des supports d’enseignement simples et facilement accessibles pour trouver, utiliser, interpréter et communiquer des informations et concepts mathématiques. Par exemple, les supports visuels permettent de comprendre comment gérer les exigences mathématiques de différentes situations, tandis que les supports en ligne destinés à des activités d’apprentissage semblables à celle présentée à la Figure 9 aident les apprenants à intégrer l’alphabétisme à leur quotidien.

Photo 9. Exemple d’activité numérique (Decoda Literacy Solutions 2012).

Recrutement et formation des animateurs

Pour devenir animateur IPALS, il faut avoir une licence en éducation ou dans un domaine connexe ou un Diplôme en éducation de la petite enfance, justifier au minimum de trois ans d’expérience professionnelle dans l’enseignement primaire, l’éducation de la petite enfance et l’alphabétisation familiale et jouir d’une expérience en matière de travail au profit de personnes d’origines culturelles et économiques diverses. Le programme recrute également des animateurs bénévoles multilingues en fonction de la langue d’origine des familles participantes. Du fait que le rôle de ces animateurs multiculturels consiste à servir de passerelle entre les familles et les animateurs IPALS, ils doivent justifier au minimum d’un an d’expérience professionnelle au service de personnes d’origines culturelles et économiques diverses.

L’équipe pédagogique compte en son sein des éducateurs de la petite enfance chargés de gérer les problèmes spécifiques aux jeunes apprenants. Ces éducateurs doivent avoir un Diplôme en éducation de la petite enfance et au moins un an d’expérience professionnelle en éducation de la petite enfance et/ou en alphabétisation familiale au profit d’apprenants d’origines diverses. Le ratio d’encadrement est de 8:1. Parfois, des collégiens se portent volontaires pour encadrer les jeunes enfants et seconder les animateurs dans différentes activités. Une fois le programme arrêté et les groupes linguistiques constitués, l’organisation communautaire partenaire recrute les animateurs sur la base du descriptif de poste établi par Decoda Solutions.

Une fois l’équipe pédagogique constituée, une journée entière de formation est organisée au profit des animateurs IPALS, animateurs multiculturels, prestataires de services de garde et administrateurs de district scolaire/d’organisation communautaire avant le démarrage des sessions IPALS. Cette formation inclut des présentations sur la philosophie du programme, les thèmes de chaque session, les ressources appropriées et les exigences de garde des enfants pour les nouveaux arrivants. La formation IPALS, couplée au manuel de formation, garantit une mise en œuvre et une exécution du programme conformes aux résultats et indicateurs attendus. Elle répond aux besoins de chaque animateur et peut inclure des activités d’apprentissage ludique, des stratégies d’encadrement de participants adultes et des concepts de développement de l’enfance et de sensibilité culturelle.

Une deuxième journée de formation est organisée à la fin de chaque année de mise en œuvre. Les animateurs y discutent de ce qu’ils ont appris en cours d’année et s’entraident pour mettre en pratique des idées et des activités de résolution de problèmes. Cette session de débriefing réunit l’ensemble des animateurs et permet de raffermir leurs liens et de promouvoir l’apprentissage en équipe et la pratique réflective. Ils y parlent de ce qui a marché ou moins bien marché et recherchent ensemble des solutions potentielles aux défis. Ils y analysent les raisons de la tournure réelle des choses et étudient les implications pour la pratique à l’avenir.

Tout au long du programme, les animateurs ont accès à une plateforme de documentation en ligne IPALS, qui contient des lettres d’information hebdomadaires et des wébinaires sur les thèmes pertinents. Les sessions de formation et de perfectionnement professionnel réunissent les animateurs IPALS de l’ensemble des sites et leur donnent l’occasion de nouer des liens et d’apprendre de leurs expériences respectives. Le partage de bonnes pratiques, des succès et des défis permet à l’équipe IPALS de dispenser le programme de façon harmonieuse, mais flexible. Du fait que le programme se développe, Decoda a organisé une session de formation en novembre 2019 au profit des nouveaux animateurs.

Pour un contrat à temps partiel, un animateur IPALS perçoit 2800 CAD pour chaque cours. Ce montant couvre la formation, la planification, la préparation, l’enseignement, la documentation et le temps dédié au suivi. Un éducateur de la petite enfance gagne 576 CAD par cours, pour la formation, l’enseignement et le temps dédié au suivi.

Recrutement des apprenants

Chaque site abritant des sessions IPALS communique en permanence avec divers acteurs communautaires, y compris les organisations multiculturelles, les bibliothèques et d’autres institutions publiques. Ces alliances permettent au personnel de parler du programme IPALS et d’encourager les recommandations au sein des agences. Représentants de districts scolaires et organisations communautaires travaillent en étroite collaboration avec des personnes qui connaissent bien et/ou vivent au sein des communautés immigrées et réfugiées des quartiers accueillant les programmes. Les membres de ces communautés indiquent les heures et formats qui conviennent le plus pour les groupes participants.

Du fait qu’un animateur de chaque programme appartient aussi au groupe culturel participant, il est plus facile de motiver et d’inviter les gens à participer. Il aide les autres membres du programme à découvrir les pratiques et préférences culturelles de sa communauté, crée un sentiment de confiance entre familles/communautés et prestataires du programme et propose des ajustements permettant de mieux adapter le programme aux besoins et contextes culturels des familles et des communautés. De même, il assiste les familles pour le processus d’inscription. Pour s’inscrire, toutes les familles intéressées doivent présenter leurs pièces d’identité pour justifier leur statut de résidence et leur date de naissance.

Une fois que les programmes démarrent, les participants partagent leurs expériences avec les autres membres de la communauté. L’information sur le programme circule dans le quartier, aidant à recruter plus de participants grâce à un effet « boule de neige ». Les enfants en âge d’aller à l’école sont souvent conviés à servir de mentor pour le programme IPALS. Cette stratégie suscite un intérêt accru pour le programme chez les communautés immigrées cibles.

Évaluation des résultats d'apprentissage par les apprenants

Les méthodes d’évaluation intègrent à la fois des stratégies formatives et sommatives. Bien que le format soit similaire pour tous les groupes, il existe de légères variations en fonction de la situation et des besoins de chaque groupe. Au début du programme, les animateurs collectent des informations concernant chaque apprenant et chaque famille. Les outils de l’évaluation initiale incluent des entretiens et un questionnaire intitulé « Interview schedule about parents’ perceptions of literacy learning » (Anderson et Morrison 2010, p. 16).

Des évaluations formatives ont lieu tout au long du programme IPALS. Les animateurs collectent régulièrement des artéfacts, des notes de terrain et des documents produits lors des sessions et les analysent en posant une série de questions permettant de suivre la progression des apprenants. Ces éléments les aident à identifier le niveau de langue et d’alphabétisme, les besoins et les centres d’intérêt de leurs groupes et à adapter les supports du programme en conséquence.

L’extrait suivant est un exemple d’évaluation formative d’une session sur l’apprentissage de l’écriture (« Learning to write », Anderson et Morrison 2010, p. 45) :

L’évaluation sommative intervient à la fin de chaque programme et intègre les conseils et feedback des participants et des animateurs. À la fin du programme, l’on analyse les changements de perception des participants par rapport à l’apprentissage et à l’alphabétisme, mais aussi la différence entre les réponses aux tests pré- et post-programme (Anderson et Morrison 2010, p. 16). Le questionnaire est administré dans la langue maternelle des parents. Après quoi, les animateurs organisent des groupes de discussion thématique avec les familles et « mesurent les progrès des enfants à travers (…) quelques (…) mots familiers qu’ils ont tentés d’écrire au début et à la fin du programme » (Anderson et Morrison 2010, p. 14).

Les enfants participent aux sessions pré-et post-programme du test d’aptitude à la lecture à bas âge (Test of Early Reading Ability, TERA-2) et du test relatif aux concepts de l’écrit (Concepts of Print Test). Parents et enfants participent à l’évaluation de la reconnaissance des lettres (Letter Recognition Assessment) . Selon Anderson et Morrison (2010), le premier test mesure la connaissance de l’alphabet chez les enfants et leur capacité à associer chaque lettre au son correspondant, mais aussi leur compréhension de l’orientation de l’écrit et des ressources écrites. Le deuxième test évalue les notions de livre et d’écrit chez l’enfant, tandis que le troisième évalue « l’aptitude de l’enfant à reconnaître les lettres » (Anderson et Morrison 2010, p. 17).

Accréditation

Il n’existe aucun mécanisme d'accréditation formel. Toutefois, la formation suivie par les éducateurs de la petite enfance pour devenir animateurs IPALS peuvent être considérée comme une forme d’accréditation. Les animateurs utilisent l’attestation de formation comme justificatif de leur nombre d’heures de perfectionnement professionnel afin de conserver leur licence d’éducateur de la petite enfance. Ils reçoivent aussi des badges numériques, qu’ils peuvent mentionner comme acquis dans leurs CV (Decoda Literacy Solutions 2019b).

Suivi et évaluation

Le programme IPALS est conçu pour avoir un impact sur l’ensemble de la famille. Du fait de son caractère itératif, le suivi et évaluation est en grande partie continu. Aussi ses résultats peuvent-ils induire des adaptations destinées à mieux répondre aux besoins des apprenants et à les aider à atteindre les résultats d’apprentissage. Par exemple, lors d’un cours, les interactions entre animateurs et parents ont permis de remarquer qu’une session sans supports visuels ne suffisait pas pour les non-anglophones d’origine. C’est ainsi que des illustrations et des exemples visuels seront ajoutés pour les sessions suivantes.

Observations des animateurs, notes de terrain, discussions thématiques et artéfacts aident à suivre le niveau de réalisation des résultats du programme. Les notes de terrain sont utiles pour consigner les leçons importantes apprises en cours de programme et analyser les sessions. L’extrait suivant en donne une illustration :


Le 29 novembre 1997

Une de mes préoccupations est de savoir si nous faisons assez pour faciliter l’acquisition de la langue (dans le cadre du programme PRINTS). Ce, d’autant plus que les travaux de Snow indiquent que la facilité de maniement de la langue à l’entrée à l’école constitue un meilleur indicateur des futures performances en lecture que les différentes évaluations de l’écrit (Anderson and Morrison 2010, p. 15).


Les groupes de discussion avec les parents autour de problèmes spécifiques interviennent généralement à mi-parcours et à la fin du programme. Les animateurs ont identifié les questions suivantes comme les plus utiles pour servir de fil conducteur lors de ces séances : « 1. Quel aspect de PALS jugez-vous le plus utile ? (…) 2. Quelle(s) partie(s) de PALS n’a pas marché pour vous ? (…) 3. Qu’avez-vous et vos enfants appris (…) ? 4. Que devons-vous changer (…) ? » (Anderson et Morrison 2010, p. 16).

Ces outils d’évaluation donnent également un aperçu de la palette technique des animateurs et de leur connaissance des bonnes pratiques en matière de travail au service des familles d’immigrés et de réfugiés. Chaque trimestre, les animateurs documentent les faits observés dans chaque session en répondant à une série de questions de suivi des progrès en alphabétisation de la petite enfance. Ceux-ci sont versés aux discussions en cours sur les moyens d’optimiser l’exécution du programme.

Photo 10. De nouveaux lecteurs du programme IPALS savourant le rythme et la musicalité de la langue dans des livres.

Le processus d’évaluation repose sur les données qualitatives issues des notes de terrain, mais aussi sur les informations recueillies à l’occasion des réunions et visites de sites semestrielles. Les données sont analysées, et les résultats compilés et présentés sous forme de rapport annuel. Celui-ci inclut aussi des informations sur le nombre de participants, leur pays d'origine, les groupes linguistiques et les progrès, sans oublier un plan de qualité service et les préoccupations liées au service.

Impact et réalisations

Le programme a desservi au moins 750 participants par an au cours des cinq dernières années. Ce chiffre traduit une augmentation significative par rapport aux 150 participants annuels au démarrage de l’initiative. Depuis son lancement, le programme a réussi à desservir 4500 participants.

Selon Anderson et al. (2011), un démarrage précoce robuste, tel que les expériences d’alphabétisation qu’offre le programme IPALS, place l’enfant sur une trajectoire d’apprentissage plus rapide et garantit sa réussite scolaire. Ils soutiennent que les parents aussi tirent profit de la compréhension de l’apprentissage précoce du jeune enfant, du système éducatif canadien et de l’opportunité d’améliorer leur niveau personnel d’alphabétisme et de langue. En participant au « Letter Recognition Test », par exemple, les « parents comprennent le rôle de l’alphabet dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, et nous leur donnons également un éventail d’activités et de suggestions à utiliser pour soutenir leurs enfants de façon contextualisée et intéressante » (Anderson et Morrison 2010, p. 17).

Par ailleurs, le fait pour les familles de travailler aux côtés des animateurs et des administrateurs contribue à promouvoir la sensibilité culturelle, mais aussi une meilleure compréhension de la manière d’encadrer les enfants des familles immigrées et réfugiées nouvellement arrivées. Les opportunités d’enrichissement mutuel adossé aux points forts au patrimoine culturel des familles contribuent à établir des communautés accueillantes et renforcent le sentiment d’appartenance des nouvelles familles immigrées. Les relations fortes liant les familles participantes aux organisations de mise en œuvre du programme rendent les familles plus susceptibles de tirer profit des autres services et programmes disponibles dans leur communauté, tels que la bibliothèque, les services de santé, les services de soutien aux immigrés, le transport et la garde d’enfants.

La participation aux activités communautaires et l’enrichissement mutuel aident à mieux comprendre comment encadrer les enfants et à renforcer la confiance sociale, les liens et les réseaux avec les autres nouveaux résidents et les Canadiens de souche. En outre, la coopération interagences encourage la compréhension et le respect mutuels. Ces opportunités favorisent un renforcement significatif de l’équité, de l’inclusion et de l’accès à des services comme la bibliothèque, la santé, le soutien aux immigrés, le transport et la garde d’enfants.

Les témoignages suivants montrent comment la participation au programme IPALS a facilité l’intégration des familles à la société canadienne :

Nous sommes arrivés récemment à Vancouver. IPALS nous a aidés à nous intégrer plus vite dans la société et à découvrir notre nouvelle vie. Les animateurs veillent très attentivement à rendre les activités intéressantes. Ils sont très gentils. Je tiens à remercier spécialement notre animatrice Felicia qui a su bâtir une passerelle entre les cultures occidentale et orientale. Merci au programme IPALS de faire partie de notre voyage !

- Dejie Huang, apprenant, West Vancouver


Nous apprécions beaucoup le fait d’animer le programme IPALS dans notre communauté. C’est un programme qui soutient les parents en leur donnant le temps d’interagir avec leurs enfants, mais aussi de rencontrer d’autres membres de la communauté locale. Il crée un environnement d'apprentissage sûr, qui permet aux parents de partager leurs difficultés et réussites et, de ce fait, renforce chez chacun le sentiment d’appartenance. Ils viennent, pour beaucoup, de communautés soudées et le déménagement au Canada constitue un isolement social à leurs yeux. Donc, IPALS leur offre un espace pour nouer des liens. C’est un excellent moyen, pour eux, de poser des questions sur le système éducatif canadien et les normes/pratiques culturelles du pays. Nous encourageons les familles à continuer de pratiquer leurs propres culture et langue, puisqu’il s’agit d’un atout, tout en les initiant à des pédagogies occidentales pratiques qu’ils peuvent facilement intégrer à leur vie quotidienne. Nous avons observé des changements importants chez les familles qui ont suivi IPALS pendant plus d'un an et qui, par la suite, intègrent nos écoles locales. Leurs enfants sont moins angoissés, et les parents communiquent avec les enseignants avec plus d’aisance. Nous constatons également un intérêt parental accru pour la communautaire scolaire. Tout part de cette initiation à l’alphabétisation qu’offre IPALS dans un environnement d’apprentissage sûr.

-Joanne Neveux, principal de district ELL/SWIS/Mod., district scolaire de Langley

L’aspect le plus gratifiant du programme, c’est de voir les participants commencer à se sentir non plus comme de simples tuteurs de leurs enfants, mais comme leurs premiers enseignants. Les parents ont insisté sur le fait que le programme les a aidés à prendre conscience du rôle important qu’ils jouent dans le développement de l’alphabétisme de leurs enfants à travers des activités courantes telles que parler, écouter, chanter, lire, jouer et dessiner avec eux. Ils lui sont reconnaissants de leur avoir donné l’occasion de découvrir et partager les méthodes permettant aux familles à revenu faible d’améliorer le niveau d’alphabétisme de leurs enfants, notamment ceux décrits dans la section « Enseignement et apprentissage : approches et méthodes ».

Photo 11. IPALS adopte une approche d’apprentissage par le jeu.

Le programme IPALS réunit plusieurs générations des familles dans un cadre accueillant, solidaire et respectueux pour promouvoir le développement de l’alphabétisme. Il s’appuie sur les points forts des familles, promeut un sentiment de communauté et d’appartenance et encourage des relations positives durables entre familles et écoles.

Le programme apporte aux participants, aux animateurs et à la communauté les bienfaits suivants :

  • Les enfants acquièrent des aptitudes en langue et en alphabétisme qui leur permettent de s’adapter à leur communauté et d’acquérir
  • des compétences qui les préparent pour l’école.

  • Les parents améliorent leur propre niveau d’alphabétisme.
  • Les membres de la famille apprennent à encadrer l’apprentissage et l’alphabétisation de leurs enfants.
  • Les familles nouent de nouveaux liens et accroissent leur capital social.
  • Les animateurs comprennent davantage comment travailler avec les enfants et les familles d’immigrés et de réfugiés.

Reconnaissance du programme

Les articles publiés en ligne, reconnaissant l’action du programme IPALS, incluent une publication pour l’AMSSA, une association de la Colombie britannique, qui offre des services aux nouveaux résidents en vue de développer des communautés culturellement inclusives (AMSSA, s.d.) et une publication pour le Times Colonist, un journal basé à Victoria. Dans le premier article, Dhugana (2017/2018) décrit brièvement le programme, son histoire et sa structure, mais aussi ses bienfaits pour les parents, notamment leurs témoignages concernant son impact sur le quotidien des familles. Dans le second, Arrais (2019) décrit Decoda Solutions, l’organisation chargée de la mise en œuvre, en présentant ses autres services, sa vision et ses partenaires communautaires, mais aussi les avantages du programme pour les éducateurs, les organisations et les parents.

Témoignages

L’histoire de Rehab

Rehab ne parlait à personne. Elle avait perdu confiance en elle à cause de son faible niveau de langue et d’alphabétisme et des expériences désagréables qu’elle a vécues dans le camp de réfugiés. Après avoir participé au programme IPALS, elle a découvert l’importance de l’apprentissage à bas âge et le système éducatif canadien. Les sessions IPALS sensibles à la culture et riches en discussions bilingues l’ont aidée à améliorer son niveau de langue et d’alphabétisme. Rehab et son fils faisaient une heure de bus pour ne rater aucune session IPALS. Le programme IPALS a renforcé son assurance, lui permettant de poursuivre son rêve de devenir éducatrice assistante de la petite enfance. Maintenant, elle envisage d’étudier au Camosun College une fois qu’elle aura rempli les critères de langue anglaise.

L’histoire de Fang

Fang se sentait frustrée la plupart du temps parce qu’elle ignorait les méthodes adaptées au stade de développement de ses deux enfants pour accompagner leur apprentissage. Le programme IPALS l’a aidée à renforcer son niveau d’alphabétisme. Après avoir suivi le programme, elle a changé la vie de sa famille parce qu’elle a changé. Grâce au programme, elle a compris les autres sens possibles du mot « apprentissage ». Elle s’est rendu compte qu’il peut prendre toutes les formes et a lieu partout dans la vie courante. Elle a appris à intégrer l’apprentissage à la vie familiale et aux activités quotidiennes. En faisant le ménage, elle demande à ses enfants de nettoyer les escaliers et de compter le nombre de marches nettoyées. En mettant le couvert pour le dîner, elle leur demande de compter le nombre de baguettes et de bols nécessaires pour tout le monde. Dans sa famille, le calcul représente bien plus que des chiffres sur du papier. Même compter les pinces à ligne et accrocher de la literie sur une corde à linge est une occasion d’apprendre.

L’expérience d’une mère

Une mère raconte que son fils a commencé à raconter les récits lus à IPALS en créant des personnages en feutre et en faisant semblant de lire. Le garçon avait constaté qu’il n’y avait de mots dans le livre à emporter à domicile. « Comment suis-je censée lire ? », demanda sa mère « Regarde les images, puis raconte-moi l’histoire », répondit-il. Plus tard, il créa sa propre histoire, avec des membres de la famille comme personnages. La mère explique qu’il racontait plusieurs cas d’événements dramatiques de son passé qui remontaient à la surface, en particulier après Halloween ou la visite d’un médecin.

Défis

La mise en œuvre du programme IPALS a posé plusieurs défis qui appelaient une réflexion hors du commun pour leur trouver des solutions innovantes.

Le premier défi est lié à la diversité des langues parlées par les participants. Les animateurs doivent choisir une langue d’enseignement pour répondre aux différents besoins pédagogiques des apprenants. Il est difficile de produire des supports d’apprentissage en plusieurs langues, et le programme compte essentiellement sur les animateurs pour les traduire. Il est impossible de traduire tous les supports d'apprentissage, puisque les animateurs ne sont en mesure de le faire dans toutes les langues des participants.

Le deuxième défi réside dans le fait que certaines familles de réfugiés ont faim en arrivant au cours et comptent fortement sur le repas fourni en cours de session. Les contributions en nature des districts scolaires, des organisations communautaires et des bénévoles aident à couvrir le coût de ces repas.

Troisième défi, l’absence de moyens de transport. Elle réduit la mobilité de la population cible, rendant plus difficile la participation de celle-ci au programme.

Enfin, un des centres IPALS a eu des difficultés à gérer le personnel et les bénévoles additionnels pour respecter le ratio d’encadrement.

Leçons apprises

L’expérience de Decoda concernant la mise en œuvre du programme IPALS souligne l’intérêt de prévoir plusieurs langues en fonction de la population cible. Cette approche est désormais considérée comme l’une des meilleures pratiques pédagogiques, car elle symbolise l’importance de préserver la première langue des apprenants pendant qu’ils en apprennent une deuxième et constitue une marque de respect pour leur héritage culturel. Le recrutement d’animateurs d’origines culturelles diverses ajoute au succès du programme dans ce domaine.

Photo 12. Activité d’apprentissage en vietnamien.

Tous les programmes rapportent la participation de districts scolaires, d’organisations communautaires et multiculturelles et de membres de la communauté et de la famille élargie. Les familles tirent largement partie des liens noués avec d’autres familles pendant le programme. Beaucoup déclarent que ces interactions ont donné lieu à des liens d’amitié à vie. Cela facilite aussi le partage de ressources.

Les manuels et supports conçus pendant les sessions encouragent beaucoup de familles à créer leur petite bibliothèque familiale. Ces types de supports manquent à beaucoup de familles, et certaines n’ont aucun livre chez eux. Toutefois, le programme gagnerait à utiliser plus de supports bilingues. Il serait tout aussi bénéfique de l’élargir aux familles ayant des enfants en âge d’aller à l’école, et les familles participantes en ont fait la demande.

Pérennité

Des plans sont à l’étude pour étendre le programme IPALS à d’autres provinces une fois que s’achève le processus actuel de négociation du contrat avec le gouvernement canadien. Decoda envisage de commencer par l’Alberta et le Saskatchewan. La date de démarrage dépendra des fonds disponibles pour initier des activités dans de nouveaux sites.

Le programme IPALS met l’accent sur la participation et la coopération interagences. Des centaines d’animateurs ont été formés, et beaucoup de districts scolaires et d’organisations communautaires ont acquis des compétences en gestion de projet grâce à diverses offres de formation et de perfectionnement professionnel. Ces professionnels formés sont en mesure d’étendre le programme IPALS à d’autres sites.

Sources

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Directrice exécutive

Decoda Literacy Solutions

980-1125 Howe Street, Vancouver, BC, V6Z 2K8

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Site Web : www.decoda.ca

For citation please use

Last update: 25 novembre 2022. Programme d’appui parental pour l'alphabétisation dans les communautés immigrées (IPALS) . Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie. (Accessed on: 28 September 2023, 16:18 CEST)

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